Depuis son premier album, le miraculeux “The Pirate’s Gospel”, sorti en France en 2007, avec son folk intemporel d’une pureté et d’une beauté profondément touchantes, la chanteuse américaine Alela Diane a su nous ravir en permanence, comme elle l’a encore prouvé sur son sixième et dernier album en date, le somptueux “Looking Glass” sorti en 2022. Après une première interview qu’elle nous avait accordée en 2007, il était donc temps de refaire le point avec elle sur cette carrière désormais longue de presque vingt ans. L’occasion s’est présentée de la rencontrer lors de la tournée française qu’elle a effectuée en novembre dernier et, plus précisément, au moment de son concert dans la salle de spectacles de l’Archipel à Fouesnant dans le Finistère. Nous avons ainsi pu revenir avec elle sur sa carrière et sur sa conception de la vie de musicienne, conception qu’elle a pu exprimer au travers d’une parole simple et authentique pour, au bout du compte, nous raconter une vie qui l’est tout autant.
Tu tournes en France depuis quelques jours maintenant. Comment se passe cette tournée ?
C’est très agréable, c’est une super tournée. Le public français est absolument merveilleux. C’est un honneur de chanter chaque soir dans des salles pleines de personnes réceptives. C’est adorable.
Peux-tu nous présenter les musiciennes qui t’accompagnent sur scène ?
Sur cette tournée, mon amie Heather Woods Broderick est avec moi sur scène. Elle joue des percussions, de la guitare, de la flûte, du piano et fait les chœurs. Mon autre amie Mirabai Peart joue du violon et chante également. Heather a déjà sorti quelques albums et Mirabai en a sorti un. Elles sont toutes les deux incroyablement talentueuses. Mirabai est aussi professeur de violon, c’est la prof de ma fille de dix ans.
En dehors de la scène, comme maintenant, tu portes des vêtements classiques comme des jeans, des T-shirts, alors que, sur scène, tu portes de grandes robes plutôt inhabituelles. Pourquoi est-ce important pour toi de porter des robes spéciales pour la scène ?
Je fais un spectacle. Je ne me suis pas toujours habillée ainsi sur scène. Par le passé, je m’habillais de manière plus classique. Mais, actuellement, je pense qu’il y a suffisamment d’excuses pour s’habiller ainsi, pour présenter un spectacle, pour présenter la musique de manière si élégante. C’est amusant, donc je le fais. Et je peux alors collectionner de jolies choses. A la maison ou quand je voyage, je porte des jeans. Quand je suis à la maison, je suis une mère qui s’occupe de ses enfants, ma vie est très normale. C’est donc agréable d’avoir une excuse pour bien s’habiller ! (rires)
Tu tournes donc en France maintenant. Quelle est ta relation avec la France ? Qu’apprécies-tu dans notre pays ?
Cela fait maintenant longtemps que je viens en France et c’est vraiment agréable d’y avoir un public et de pouvoir y venir. Je suis beaucoup venue en France mais je n’ai malheureusement pas l’opportunité d’y venir en touriste. Je sais qu’il y a beaucoup de la France que je n’ai pas vu. Mais ce que j’ai pu expérimenter, c’est la gentillesse des gens. Je discute souvent avec les spectateurs après les concerts et les Français sont extraordinaires, c’est ce qui me fait revenir. Et bien sûr, j’apprécie le bon fromage, la baguette… Et les Français respectent les arts. Ce centre culturel est un parfait exemple montrant comment la France valorise les arts, il m’autorise à venir ici. Je sais que, quand j’arrive dans une salle de concerts en France, il va y avoir de la nourriture qui nous attend. Quand tu es sur la route toute la journée (nous avons passé cinq heures dans le van aujourd’hui), d’avoir une collation et une tasse de thé qui t’attendent, cela n’arrive pas partout. Ce n’est pas la norme dans les autres pays, ce n’est pas la norme en Amérique. La France est un endroit merveilleux pour tourner parce que nous nous sentons très bien pris en charge. Il y a toujours un repas chaud, de la cuisine faite maison à la fois pour les musiciens et l’équipe de tournée. Tout le monde fait du meilleur boulot quand on s’occupe bien de nous. J’apprécie beaucoup ça.
Tu viens de Californie mais tu habites maintenant à Portland. Qu’apprécies-tu dans cette ville de Portland ?
Portland est une ville vraiment agréable parce qu’elle ressemble à un ensemble de petites villes d’une certaine manière. Chaque quartier a une rue remplie de restaurants, une épicerie et tout ce dont tu as besoin. Tu peux y avoir une vie assez simple et plus douce que dans une grande ville classique. En Californie, j’ai grandi dans une toute petite ville avec de l’espace et de la verdure partout. De plus, pour moi, culturellement, Portland a tout ce que je veux avoir dans ma vie parce que c’est une grande ville. Et nous avons trouvé une maison qui se trouve sur une propriété. Donc, je retrouve des arbres et des espaces verts à nouveau. C’est un endroit unique où je peux tout faire, dans une certaine mesure. Nous élevons nos enfants et nous sommes très heureux à Portland.
Environ un an après la sortie de “Looking Glass”, quelle est ton opinion sur cet album maintenant ?
Je suis fière de cet album. C’est très agréable de chanter les chansons de “Looking Glass”. Je ne chante pas toutes les chansons de cet album mais j’en interprète une bonne partie ainsi que des chansons des anciens albums. Et le public a l’air d’apprécier les nouvelles chansons comme les anciennes, ça me fait plaisir également.
Comme on peut l’entendre sur cet album, progressivement, au cours de ta carrière, tu as produit une musique plus orchestrée, avec des cordes, des cuivres… Pourquoi cette évolution ? Est-ce une tendance que tu veux poursuivre ?
J’aime ce type de sons. Cela représente juste une partie de ma carrière. J’ai démarré de manière plus acoustique, plus dans l’americana et le folk, et je suppose que les derniers albums ont représenté une évolution par rapport à ça mais les racines de la musique sont les mêmes. La musique folk avec sa simplicité en guitare-voix, cela reste toujours. Sur cette tournée, j’ai des musiciens qui m’accompagnent mais, régulièrement en tournée, je suis seule sur scène. Donc, cette essence perdure.
Le 1er décembre, tu vas sortir un album de Noël intitulé “It’s Always Christmas Somewhere” avec le groupe The Hackles. L’album de Noël, c’est une vraie tradition aux Etats-Unis. Est-ce que tu aimes cette tradition ?
J’ai toujours apprécié la musique de Noël parce que c’est à la fois idiot et joyeux. Pour nous en Amérique au moins (je ne sais pas comment c’est en France), c’est une grande tradition en décembre de décorer son arbre de Noël, de se retrouver et, à une période de l’année où il fait nuit tôt, d’apporter de la lumière dans la maison. Nous avons une boîte contenant plusieurs disques de Noël, des vieux albums de Noël country ou des années 50 assez bizarres. Dans les magasins, on peut en trouver avec des pochettes vraiment étranges, on se dit alors que ça doit être un bon disque ! J’ai toujours adoré cet aspect kitsch des albums de Noël, c’est pour cela que j’ai toujours voulu en faire un et que j’ai fini par le faire. Et donc, sur mon album de Noël, il y a une interprétation vraiment idiote de “The Pirate’s Gospel” avec des paroles de Noël, cela s’intitule “The Santa’s Gospel” et le refrain fait « ho ho ho ». Etre capable de faire ça, ça m’a apporté beaucoup de joie ! (rires)
Tu as démarré ta carrière il y a vingt ans environ. Aujourd’hui, quel est ton regard sur cette période ?
Pour être honnête, je pense que c’est un miracle d’être toujours capable de faire ça. L’industrie musicale est incroyablement difficile maintenant et je ressens une vraie gratitude d’avoir toujours des endroits où chanter et de réussir encore à en vivre, vingt ans plus tard. L’industrie n’est pas sympa avec ceux qui prennent de l’âge, les femmes spécifiquement, elle nous traite comme si on était jetable. On nous a donné notre chance quand on était jeune, les premiers albums étaient très importants et puis on finit par être jeté. Il y a eu des moments difficiles dans ma carrière où je n’étais pas sûre de pouvoir continuer mais, maintenant, je suis heureuse qu’il y ait toujours une place pour moi. Je ne sais pas ce que je pourrais faire d’autre.
En tant que femme, il est plus difficile de durer dans l’industrie musicale ?
Il y a beaucoup de pression sur les femmes, qui doivent être jolies, utiles… C’est juste la société, en réalité. Les femmes ne sont pas suffisamment prises au sérieux. Il y a des exceptions comme Patti Smith qui est toujours là. Mais elle a fait un grand break au milieu de sa vie, quand elle élevait ses enfants, parce qu’on nous dit qu’on ne veut pas nous voir durant cette période, ce qui est malheureux. Mais moi je suis toujours là, je viens d’avoir quarante ans.
Penses-tu t’être améliorée depuis le début de ta carrière ? Si oui, en quoi ?
Je joue certainement mieux de la guitare que quand j’ai commencé à écrire des chansons. J’avais appris à jouer de la guitare peut-être un an seulement avant de faire mon premier album “The Pirate’s Gospel”. J’étais totalement autodidacte. J’ai fait du chemin depuis et je me sens plus à l’aise dans ma capacité à jouer d’un instrument. En tant que songwriter, j’ai aussi développé ma voix. Ceci étant dit, il n’y a rien de tel que les premières découvertes quand tu es une jeune musicienne, les premiers sons que tu produis et les premières chansons que tu écris. Il y a quelque chose d’intrinsèquement spécial dans ces premières expériences de musicienne. Nous avons tous ressenti ça avec Joni Mitchell par exemple, tout le monde aime les premiers albums que ces artistes ont sortis. Je ne suis pas différente, les gens aiment mon premier album. Certains ont continué à suivre ce que je faisais depuis et j’apprécie beaucoup cela. D’autres personnes, qui m’apprécient et viennent me voir en concert, n’aiment que ce premier album et ça me va aussi. Mais je sais que j’ai grandi en tant qu’artiste, je sais que mon écriture a plus de profondeur maintenant et je sais que je suis une meilleure guitariste. J’encourage donc les gens à aller plus loin que ce que j’ai fait à mes débuts.
De quelle manière ta vie personnelle a un impact sur ta carrière et sur le contenu de tes chansons ?
Je pense que mes albums racontent juste mon histoire. Chaque chanson a son histoire et j’ai continué à écrire sur ma vie au travers des années. Au cours des différents chapitres de ma vie, ce que je suis au fond de moi a évolué et cela se retrouve dans ma musique. Je ne suis pas une autrice de fiction, je n’écris pas à propos de choses que je n’ai pas vécues.
Ce qui se passe dans le monde a aussi un impact sur ton songwriting ?
Oui, mon écriture, c’est toujours moi évoluant dans ma vie personnelle et dans de plus grandes circonstances, des conditions d’un monde plus grand.
Tu as souvent dit que le rôle d’une chanteuse est de procurer des sentiments et des émotions, que la musique peut être une sorte de médecine. Que veux-tu dire ?
Quand je chante, chaque soir, des gens viennent me voir et me racontent leur histoire, parfois avec les larmes aux yeux, en me disant combien ma musique les a marqués. Je pense qu’aider les gens à ressentir quelque chose, spécialement dans ce monde bien abimé actuellement, leur offrir l’opportunité de ressentir des émotions, de pleurer, c’est très important, c’est de la médecine.
Le fait que tes parents soient aussi musiciens, cela t’a sûrement influencée, cela t’a sûrement aidé à composer de la musique. Environ vingt ans après le début de ta carrière, quel est ton regard sur cette influence ?
Je pense que le fait que mes parents soient musiciens, c’est ce qui, au départ, m’a encouragé à prendre une guitare. Notre maison était pleine d’instruments, pleine de musique et donc, quand j’ai commencé à composer à la guitare, c’était quelque chose de familier, c’était ce que les gens faisaient quand ils voulaient produire un son. C’est le catalyseur qui a tout lancé et, maintenant, je suis mon propre chemin, je continue à faire de la musique. Désormais, ce sont mes propres enfants qui commencent à faire de la musique, l’une joue du violon et l’autre du piano. Je n’ai jamais pris de cours de musique quand j’étais petite et j’offre donc cette opportunité à mes enfants parce que j’ai été une musicienne devant apprendre seule à jouer d’un instrument. J’aurais probablement été une meilleure pianiste si j’avais commencé quand j’étais enfant et non quand j’avais trente-cinq ans (rires). J’essaie donc de leur donner un avantage par rapport à ce que j’ai eu. J’ai écouté beaucoup de musique mais je n’ai pas pris de leçons.
Penses-tu perpétuer une certaine tradition ?
Je pense que oui. La musique que jouaient mes parents, cette traditionnelle musique folk californienne, ça fait partie de moi.
Tu vas donc sortir un album de Noël dans quelques jours. Et dans le futur, que vas-tu faire ? Quels sont tes projets ?
Je ne sais pas encore. Actuellement, je fais un pas à la fois. J’ai cette tournée, l’album de Noël va sortir, j’ai une autre tournée programmée en Europe pour le mois de mars de l’année prochaine où il n’y aura pas beaucoup de dates en France car il y a déjà la tournée actuelle qui est bien remplie. Je viens juste de recommencer à écrire et je pense qu’une fois que je me serai replongée dans le songwriting, le chemin deviendra plus clair. Et puis je vais me concentrer sur mes enfants et sur notre foyer. Nous avons acheté une maison de l’époque victorienne qui demande beaucoup de travail. Donc, nous dépensons beaucoup d’énergie dans notre maison.
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NIPTER
j’aime beaucoup tes chansons, continue comme cela!