Le Pitchfork Music Festival parisien s’ouvrait lundi dernier avec Youth Lagoon à l’église Saint-Eustcahe. Nous avons demandé à une fan de nous raconter le concert.
Après huit ans d’absence, Trevor Powers revient dans la sphère musicale avec force. “Heaven Is a Junkyard” (« Le paradis est une décharge »), sorti le 9 juin dernier chez Fat Possum Records, est un hommage à sa ville natale, Boise dans l’état de l’Idaho. Un voyage introspectif suite à une longue période de souffrance, qui l’a laissé sans sa voix avec comme seule issue la musique. Ce nouvel album, qui arrive huit ans après le précédent, est le fruit de son instinct de survie qui le ramène à sa source : son Idaho, son Junkyard.
C’est dans le cadre du festival Pitchfork que Paris assiste au renouveau de Youth Lagoon (déjà venu il y a neuf ans, à l’époque de la Grande Halle de la Villette), en trio – Trevor au chant et aux claviers, un guitariste, et un deuxième guitariste ou batteur selon les morceaux. Le cadre idyllique de l’église Saint-Eustache éclairée par 80 bougies nous plonge directement dans l’ambiance du dernier disque. Le calme règne dans la nef, ce concert très attendu affiche complet depuis plusieurs semaines (l’un des seuls du festival.)
Trevor apparaît sur scène santiags aux pieds, casquette Raiders Oakland et mitaines de biker. Il commence directement le concert avec le premier morceau de l’album (qui constituera la plus grande partie de la setlist), “Rabbit”, accompagné au loin par la voix de sa nièce. Puis après la chanson “Prizefighter”, également tirée du dernier album, il se confie : « This is the coolest moment of my life ». Lui aussi ne se remet pas du cadre et on ne peut qu’acquiescer. J’ai assisté à beaucoup de concerts mais celui ci ne me quittera pas. Ce n’est pas sa douleur que nous ressentons ce soir, mais sa résurrection. “The Sling” sera suivi d’un morceau de son premier album tant aimé qui a fait l’unanimité en 2011, “The Year of Hibernation”, nous enveloppant de douceur.
« This song is the cornerstone of the album » : la chanson “Trapeze Artist”, nous livre-t-il, est le fondement de “Heaven Is a Junkyard”. Son message est clair ce soir : la douleur est la plus grande des leçons de vie. Ce concert est une ode à la création dans sa forme la plus pure : comme besoin vital pour se maintenir en vie. Une pureté qui se perd facilement si on s’éloigne de son chemin. Si on ne la protège pas. C’est l’avantage de grandir dans un lieu perdu plutôt que dans une capitale où l’âme se perd et où tout se ressemble (dans la même veine que Bradford Cox de Deerhunter ou Jana Hunter de Lower Dens).
Trevor, lui, a préservé son âme d’adolescent de Boise, au cœur de Youth Lagoon. Introspective, sa voix laisse place à des riffs de guitare électrisants dans cette merveilleuse acoustique. Un solo de batterie marque la fin de “Idaho Alien”, qui résonne comme un cœur hurlant à la vie entre les murs de l’église. Il chante encore pour notre plus grand plaisir deux chansons de ce premier album qui l’a fait connaître, nous glissant au passage quelques phrases comme « All the fumes from the candles are making me high ». Nous aussi Trevor, on plane.
Sur “17”, il chante : « Oh, when I was seventeen/My mother said to me/“Don’t stop imagining, the day that you do is the day that you die” » : il ne faut cesser d’imaginer car le jour où on arrête, c’est la mort. « You’ll never die » (Dropla), ce sera d’ailleurs les dernières paroles de Trevor ce soir.
On ne peut que remercier Pitchfork d’avoir organisé ce concert dans un lieu aussi propice à cet album et à la musique de Youth Lagoon. Comme un moment suspendu qui nous laisse méditatif. Beaucoup d’entre nous auront du mal à quitter cette douce parenthèse, alors on se balade à la fin du concert avec les dernières notes qui nous hantent encore… Magique.
Merci à Ugo Tanguy.