Yo La Tengo revient après cinq d’absence et laisse une place importante aux divagations dans sa musique, tout en portant un regard nouveau sur les changements de notre monde.
D’aucuns diront que “This Stupid World“, le nouveau disque de Yo La Tengo, sonne comme un retour aux sources, une occasion pour le trio de revenir aux mélodies distordues de “Painful“. S’il est vrai que la rythmique répétitive de Georgia Humbley, la basse insistante de James McNew et les saillies électriques d’Ira Kaplan entendues sur les premières notes de “Sinatra Drive Breakdown“, qui ouvre l’album, rappellent certains éléments de style de leur période 90’s, il faut cependant y voir là une prolongation des cinq morceaux que le trio avait improvisés sur “We Have Amnesia Sometimes“.
Si les neuf nouveaux titres sont plus écrits que sur leur précédent album, ils n’en demeurent pas moins relativement spontanés, déconstruits, enregistrés en laissant le temps et l’espace nécessaire à ce genre de musique. Yo La Tengo joue sur des effets de répétitions, tente les divagations guitaristiques et installe quelques mélopées ambiantes au détour d’un couplet. Bourdonnantes et hypnotiques, acoustiques et saturées, les plages instrumentales du trio mutent par nappes jusqu’à nous cueillir par leurs beautés stratosphériques.
Par moment, le réel s’invite à nous au détour de quelques paroles. De “I See Clearly How It Ends / I see the moon rise as the sun descends“ placé en ouverture de “Sinatra Drive Breakdown“ au “Prepare to die / Prepare yourself while there’s still time“ entendu au détour de “Until It Happens”, le trio nous laisse comme un étrange goût amer dans la bouche. La Grande Faucheuse, on la retrouve ainsi en pointillés sur “This Stupid World”, traînant d’un pas hésitant dans les rues d’Hoboken.
On respire à nouveau quand on entend la voix rassurante de Georgia Hubley sur “Aselestine“, avec une pointe de mélancolie que l’on l’accueille avec bienveillance. La pause est de courte durée, mais Georgia reviendra au chant un peu plus tard avec les drones fantomatiques de “Miles Away“. Le trio s’éclipse enfin, accompagné d’un orgue boiteux et une boite à rythmes rachitique, nous laissant seuls, face à nos doutes. On pensait que Yo La Tengo s’était perdu entre les frontières du quotidien et les projections de l’au-delà ; le groupe vient surtout de nous offrir un nouveau chef-d’œuvre discret.
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