Après un premier album franchement psychédélique sorti l’an dernier, les Canadiens de Ghost Woman reviennent déjà avec un nouveau disque aussi énergique que posé, toujours clairement ancré dans les années 60.
Faire ses classes avant de voler de ses propres ailes. Tel semble être le précepte qu’Evan Uschenko a voulu appliquer à sa carrière. Ce Canadien originaire de la petite ville de Three Hills dans la province d’Alberta a d’abord fait partie de diverses formations, notamment celle du chanteur Michael Rault, avant de se décider en 2016 à lancer un groupe où il pourrait composer sa propre musique. Il lui a donné le nom de Ghost Woman, d’après une compilation de blues qui lui plaisait et qui s’intitulait “Ghost Woman Blues”. Après un premier EP “Lost Echo’s” en 2021, Ghost Woman a sorti un premier album sans titre l’année dernière, une très séduisante divagation euphorique dans les méandres du psychédélisme contemporain, dans les pas des Black Angels ou du Brian Jonestown Massacre. Ensuite, Evan Uschenko a profité des conditions favorables qui étaient les siennes, lui qui logeait dans une grande maison où il pouvait passer son temps à enregistrer de la musique sur son fidèle magnétophone Tascam 388, pour très rapidement sortir un nouvel album.
Tout en s’inscrivant dans la lignée du précédent, ce nouveau disque est marqué par la prééminence de la guitare qui s’avère centrale dans l’architecture des chansons. Comme pour le précédent, Ghost Woman continue sa plongée dans les sixties mais avec l’instrument (souvent une douze-cordes) encore plus en avant qu’auparavant, elle qui, par ses riffs répétés, marque le rythme sur une grande partie de l’album. Le ton est donné dès “Broke”, le morceau d’ouverture, où un gros riff couplé à la voix toujours aussi lasse et détachée d’Uschenko donne une touche aussi heavy que planante. La première face du disque nous invite à un véritable voyage dans le temps, vers ces glorieuses années 60 où des groupes anglais comme The Creation, The Pretty Things ou The Yardbirds, tout comme leurs héritiers immédiats de la scène garage américaine, faisaient danser la planète entière à coup de riffs ravageurs. D’ailleurs, “3 Weeks Straight” et “Anne, If”, les titres suivants, on les croirait directement échappés de la compilation “Nuggets”. Plus loin, le stonien “The End of a Gun” dégage la même énergie avec, en plus, un chant plus en avant et plus nerveux de la part d’Evan Uschenko. Cette première face contient également, avec “Street Meet”, un curieux exercice de style krautrock qui, cette fois-ci, nous transporte dans l’Allemagne du début des années 70, dans le sillage de Can et Neu !.
Avec cet album mené à un rythme si trépidant, arrive un moment où il est nécessaire de redescendre un peu. Cela est chose faite avec le calme et posé “Lo Extrano” où une jolie pedal steel guitar apporte une vraie touche country au morceau. Et cela se confirme avec le très laid-back “Arline” et le tout aussi relâché ”Tripped” marqué par la voix usée du guitariste Nick Hay, troublante de ressemblance avec celle de Mark Lanegan. La détente domine donc la deuxième moitié de l’album, comme le démontre “So Long”, le titre final, court instrumental qui voit quelques petites notes de guitare égrenées se dissiper progressivement.
Toujours centrées sur des histoires de ruptures amoureuses, les chansons de Ghost Woman montrent tout de même une évolution par rapport au premier album, pouvant être tout aussi bien entraînantes et accrocheuses que capables de calmer le jeu. En tout cas, elles réussissent toujours à charmer l’auditeur, ce dont on ne va pas se plaindre.