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Track by track – “L’Eglise de la Petite Folie parle aux gens réveillés”

En 2002, c’était sans doute un jour de grâce, ou bien de magie noire, les Brestois Maëlle et Arnaud Le Gouëfflec portaient sur les fonts baptismaux un label vraiment pas comme les autres. Au cours des deux décennies qui suivront, de nombreux et fervents adeptes se seront laissés convaincre en Bretagne, dans l’Hexagone et au-delà. Loin des sillons battus, l’Eglise de la Petite Folie (nommée en référence à un culte de la culture vaudou) s’est développée l’oreille sur le cœur, agrégeant sous son toit des artistes authentiques, appelés à collaborer très régulièrement les uns avec les autres…
Au casting, l’incontournable John Trap, maître d’œuvre musical de nombre de projets, mais aussi ooTi, Delgado Jones, Garden With Lips, Valier, Centredumonde, récemment Papapla et bien sûr Arnaud Le Gouëfflec lui-même. Auteur, compositeur, interprète, romancier et scénariste de BD reconnu, le grand prêtre de l’Eglise de la Petite Folie détaille pour Popnews les titres de la compilation anniversaire des 20 ans, L’Eglise de la Petite Folie parle aux gens réveillés (à découvrir ici, en compagnie de la cinquantaine d’albums sortis par le label). L’occasion de faire connaissance de façon très personnelle avec l’histoire et les artistes singuliers du label, avant de repartir pour vingt ans d’aventures aussi humbles que folles : miraculeuses…

Maëlle et Arnaud Le Gouëfflec © Mélanie Le Goff

John Trap – Brûle
(auteur : Thomas Lucas, compositeur : Thomas Lucas)

John Trap

« Ce qui caractérise John Trap, c’est son courage émotionnel : il se confronte toujours à ses émotions, dans lesquelles il va puiser l’aliment de ses chansons. Et il a ce don de la miniature pop, associé à une inlassable recherche de nouveaux sons, de nouvelles idées, pour élargir sa palette. C’est vraiment un sorcier pop : à la fin du processus il reste un titre, comme celui-ci, qui fait mouche. »


Arnaud Le Gouëfflec – Beau pêcheur
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeur : Thomas Lucas, arrangements : Mellano, Poli, Boulard)

« Je m’intéresse aux poissons qui parlent depuis la découverte des contes de Grimm, mais comme la réalité est décevante, je n’en ai jamais rencontré. Donc j’en ai fait une chanson drone, qui suit un fil, comme le courant, et devient un orage, avec Régis Boulard à la batterie, Thomas Poli à la guitare et au synthétiseur modulaire, Olivier Mellano à la guitare électrique et John Trap à la basse. »


Garden With Lips – Animal
(auteur et compositeur : Gildas Secretin)

Garden With Lips © Matthieu Dufour

« Garden With Lips est un orfèvre de la bedroom pop. Il fignole ses morceaux avec un soin d’horloger, et ça donne des merveilles comme Animal, et cette phrase qui déclenche la rêverie : “J’étais un animal, tu sais, autrefois”. C’est aussi un des seuls artistes que je connaisse à oser enregistrer des ébauches de chansons, des choses inachevées, comme il le fait sur certains de ses EP, sans jamais donner l’impression de quelque chose de pas fini. Plutôt un goût d’infini. » 


ooTi – Mon ombre est un garçon
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeur : Thomas Lucas)

« ooTi est une chanteuse mystérieuse et assez sauvage. Elle vit dans les bois, à côté d’une rivière. Elle a le goût des ombres, des rêves et des souvenirs d’enfance, elle chante des histoires de grenier hanté ou de fantômes chinois, et elle a trempé son pied dans le même fleuve que Kate Bush. »


Delgado Jones – Paradise Cosmos
(auteurs et compositeurs : Jacques Creignou, Thomas Lucas, Mirabelle Gillis)

« Delgado a beaucoup écouté de rock garage psychédélique, et il a passionnément aimé Donovan. C’est un esprit curieux de tout, et toujours à l’affût. Depuis qu’il a pris une direction solo, il a quelque chose du Skip Spence de l’album Oar, le même ton de prophète revenu du cosmos intérieur, même si, sur ce titre, le violon de Mirabelle Gilis est venu tromper sa solitude. »


Centredumonde – Aussi lent que le Mexique
(auteurs : Bertrand Joseph, Fabrice Patri, compositeur : Bertrand Simon)

Centredumonde © Matthieu Dufour

« Quelle  chanson… Qui d’autre peut se targuer d’avoir écrit une grande chanson mexicaine, avec flûtes de pan, sans sombrer dans le ridicule ? Centredumonde a le don de toujours réussir son coup, et il met toujours dans le mille, entre cynisme et émotion, entre drôlerie grinçante et fragilité brute. Le morceau est arrangé par son frère, alias The Callstore, un maître. »


John Trap – L’ADN
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeur : Thomas Lucas)

« J’ai écrit le texte sur mesure pour John Trap, parce qu’il aime tellement le cinéma que lorsqu’il en parle, on voit des images. Il s’occupe d’un petit cinéma de village, vit entouré de milliers de DVD, et y puise toute son inspiration. L’émotion, pour lui, est ce petit moustique figé dans l’ambre préhistorique, dont on peut extraire l’amorce de tous les dinosaures. » 


Arnaud Le Gouëfflec et ooTi – La Proie pour l’ombre
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeur : Thomas Lucas)

« J’ai l’impression d’avoir réussi une chanson thérapeutique, qui donne envie d’être libre. Et je suis très heureux de ce duo avec ooTi, car nos deux voix parlent d’une seule. C’est extrait de La Faveur de la nuit, un disque que j’entrevoyais comme une forêt, la nuit, avec une rumeur au loin. Un jour, pendant un concert d’ooTi, une personne autiste est venue me voir : elle avait comptabilisé le nombre de fois où ooTi avait prononcé le mot “ombre”. J’ai oublié le chiffre. »


Papapla – La Bête
(auteur : Thierry Lolon, compositeurs : Thierry Lolon, Martial Hardu, Hélène Pichot)

Papapla © Jérôme Sevrette

« Les chansons de Papapla ont la saveur du Polaroid, ou du film en Super-8. Ce sont des vignettes où quelque chose est conservé, un visage, une émotion, un souvenir. La pudeur et la retenue sont leurs instruments. La Bête raconte l’histoire d’une sorte de monstre qui n’en est pas. Il y a un mystère qui reste irréductible. Mais la bête devient familière et on la fredonne de-ci de-là. Après, elle nous accompagne comme un animal familier. »

Lire la chronique de l’album.


Garden With Lips – Face le monde
(auteur et compositeur : Gildas Secretin)

« Garden With Lips est aussi le graphiste de l’Eglise de la Petite Folie. C’est lui qui a signé toute notre identité graphique. Quand on s’est rencontrés, on était en CM2. Le jour où je suis allé chez lui pour la première fois, il avait posé son Big Jim sur le trottoir et il donnait des coups de poing dans un tas de sable. Pourquoi est-ce que je raconte ça ? Aucune idée. C’est fou comment, dans la vie, tout n’est qu’affaire de rencontres. »


Delgado Jones and the Brotherhood – New Eldorado
(auteur : Jacques Creignou, compositeur : Thomas Lucas, arrangements : David Cueff, Alexandre Argouarc’h)

Delgado Jones © John Delahaye

« Delgado avant l’échappée solo, quand il était encore entouré de sa Brotherhood. Il a le don d’écrire des morceaux si justes, si précis, qu’on jurerait les avoir déjà entendus, alors qu’en fait non, ou alors dans une autre vie, dans un autre monde. Et il y a toujours cette saveur spirituelle enfouie, comme dans les sutras de Donovan ou les psalmodies des 13th Floor Elevators. » 


ooTi – L’Homme de calque
(auteur et compositeur : Thomas Lucas)

ooTi

« C’est un inédit, qu’on avait écrit pour un éventuel troisième album d’ooTi, John Trap et moi. Une chanson sur la discrétion inquiétante. Il y a des gens qui vivent dans des creux, souvent parce qu’ils sont seuls, ou parce qu’ils se sont retirés du monde. Ou alors parce qu’ils sont en embuscade. »


Garden With Lips et Centredumonde – Ligne claire
(auteurs et compositeurs : Gildas Secretin, Joseph Bertrand)

« Centredumonde et Garden With Lips ont beaucoup collaboré, sur scène et sur disque, et ils ont créé cet EP qui évoque l’horizon fluorescent des années 80. Un morceau en forme de DeLorean. »


Manu Lann Huel – Le pire n’est jamais certain
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeurs : Olivier Polard, Thomas Lucas)

« Manu Lann Huel est un peu le Johnny Cash brestois. Une gueule et une présence sans équivalents. Il a fait beaucoup d’albums, et est très connu en Bretagne. Avec Olivier Polard et John Trap, on lui a proposé d’improviser deux sessions d’enregistrement et d’en tirer un disque rugueux, sur le vif, très rock dans l’esprit et la forme. Et sur ce disque, qui s’appelle Un rien de temps, il y a cette chanson, pour laquelle on avait entassé toutes sortes d’arrangements, mais qu’on a fini par décaper pour la laisser à l’os, parce que c’était exactement ce qu’il fallait. »


Valier – Tant déçu
(auteur et compositeur : Patrick Chevalier, arrangements : Fred Gransard)

« Valier est un personnage hors du commun. Il a beaucoup erré, beaucoup écrit et composé, fait des albums, s’est retrouvé perdu, en partance, est arrivé dans des endroits avant de reprendre la route. Il ne joue pas de blues, mais c’est un bluesman, comme Charley Patton. Un nomade. Un écorché vif. Quand John Trap a terminé les arrangements de son album Le Grand Frisson, il est tombé sur les pistes de celui-ci, enregistré pour le précédent, mais pas retenu. Il a “muté” un certain nombre de tranches pour découvrir au fond les arrangements de cordes, signés Fred Gransard. John Trap a enlevé tout le reste, n’a gardé que les cordes, et ça sonnait parfaitement. Une confession bouleversante sur le thème du regret. »   


Eugene Chadbourne, Arnaud Le Gouëfflec, Olivier Polard, John Trap – Mosha parle
(auteur : Arnaud Le Gouëfflec, compositeurs : Eugene Chadbourne, Olivier Polard, John Trap)

« J’ai rencontré Eugene Chadbourne au premier Festival Invisible (créé par l’Eglise de la Petite Folie, axé sur les musiques pas comme les autres, il a lieu tous les ans à Brest, au mois de novembre – NDLR), et ça m’a mis une énorme claque. J’ai étudié son œuvre en détail. Ça m’a pris quelques années, et je n’ai pas fini d’en faire le tour : c’est un Sun Ra encore en vie. Sa discographie est même encore plus vaste. Pour ces sessions fantômes, on l’a invité à Brest et on fait ce titre sur le vif, avec Olivier Polard et John Trap. Pour moi, c’est cent fois mieux qu’une Légion d’honneur. »


Pour découvrir toutes les références du label : https://leglisedelapetitefolie.bandcamp.com/

Festival invisible, à Brest du 15 au 19 novembre.

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