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Disques

Angel Olsen – Big Time

L’Américaine transcende joies et peines sur son album le plus apaisé, où elle met en évidence ses racines country. Un sommet.

Depuis ses débuts en « solitaire », il y a maintenant une décennie, Angel Olsen a façonné une œuvre remarquable. Du folk minimaliste (“Half Way Home”, “Strange Cacti”), à la fureur rock (“Burn Your Fire For No Witness”, “My Woman”) et à la pop orchestrale (“All Mirrors”) la musique de l’Américaine reflète une quête de soi à travers son éclectisme. Car il est une chose qui unit tous ses albums : une profonde et magnifique mélancolie. A chaque nouveau projet, l’artiste a posé ses doutes, ses peurs, sa solitude et ses peines sur une nouvelle base musicale, le regard toujours en arrière,  de sorte que seule la musique allait de l’avant.

Lors de l’écriture de “Big Time”, son sixième album, Olsen a assumé son homosexualité, trouvé l’amour, et perdu ses deux parents dans un très court laps de temps. Ces événements importants ont amené des émotions et questionnements contradictoires, de sorte que “Big Time” est marqué par une grande ambivalence. Il est question d’acceptation de soi, d’aimer, d’être aimé(e) et du temps qui file, nous ôtant des proches au passage. La mélancolie est toujours omniprésente, mais le ciel est ici plus clair, et le message plus nuancé. Pour la première fois, Olsen laisse entrer la lumière dans sa musique, et dilue la noirceur de ses pensées dans l’éclat aveuglant de l’amour et la résilience.

Paradoxalement, si sur son précédent “All Mirrors”, Angel Olsen choisissait la grandeur pour extérioriser ses maux, elle opte ici pour la mesure, voire une certaine légèreté, pour transcender l’une des périodes les plus émotionnellement chargées de sa vie. Avec l’aide de son groupe et Jonathan Wilson à la production, elle met donc en musique une douce célébration, la sienne. Et elle le fait en embrassant pleinement ses racines country. Un terrain qui pourrait au premier abord surprendre, mais que l’artiste n’a cessé d’arpenter au fil de sa carrière (rappelons qu’elle a été la jeune choriste de Will Oldham aka Bonnie “Prince” Billy) et qui sied à merveille au récit de l’album.

Les chansons de l’Américaine ont souvent traité de la perte, de l’abandon, du doute, mais elles ont rarement résonné avec une telle force, une telle maturité. Tiraillée entre le bonheur d’un amour naissant et la douleur du deuil, entre le passé et le présent, Angel Olsen fait le choix de tout confondre dans des paroles à la fois intemporelles et ancrées dans une période précise de sa vie.

Le morceau titre (coécrit avec sa compagne) évoque avec légèreté les petits plaisirs quotidiens partagés. “All the Flowers” et la magnifique conclusion crépusculaire (“Chasing the Sun”) subliment avec mélancolie, et libération, le sentiment d’être à sa place avec quelqu’un. « I can’t seem to get anything done/With someone likе you around« , chante-t-elle sur la dernière. Ailleurs, sur des titres comme “Ghost On” qui aurait parfaitement eu sa place sur “All Mirrors”, ou sur l’ouverture “All the Good Times”, c’est un regard amer qu’Olsen jette sur un temps révolu. Sur le tendre “Dream Thing”, la notion de temps disparaît complètement alors qu’elle se remémore un rêve du futur. Cette juxtaposition apporte aux propos profondément personnels une dimension universelle. De fait, ces nouveaux titres évoquent un panel si large d’émotions, des plus simples aux plus complexes, qu’ils peuvent parler à n’importe qui.

« Never thought the day would come
When I would find someone
To love me only »

(All the Flowers)

Il y a dans l’instrumentation un fourmillement de petits détails, mais également une retenue et une douceur qui réchauffent l’atmosphère et permettent à la voix élastique d’Olsen de l’envelopper. Du soupir au cri, elle fait des merveilles et ferait plier le plus insensible. Et c’est particulièrement vérifiable sur deux morceaux du disque, nichés a mi-parcours: “Right Now” et “This is How It Works”, des sommets d’émotion. Si les deux compositions, soit dit en passant parmi les plus belles de son catalogue, s’étalent dans la durée, leur forme et propos diffèrent.

“Right Now” suit une construction progressive, sur laquelle Olsen avance doucement vers la résilience, jusqu’à la clamer avec une assurance déstabilisante dans un tourbillon symphonique. « I need you to look at me and listen, I ain’t the past coming back to haunt you« .

« It’s a hard time again
Tell me something good
Pull me out from what I’m in »

(This Is How It Works)

“This Is How It Works”, quant à lui, est un morceau fleuve, véritable cri du cœur, sur la difficulté de se relever lorsque la fatalité semble s’acharner. Et lorsqu’Olsen répète « It’s a hard time again » vous pouvez entendre et ressentir toute la charge émotionnelle dans sa voix cristalline. Si le titre, particulièrement poignant, évoque la solitude que l’on ressent face aux aléas douloureux de la vie, c’est paradoxalement celui sur lequel l’artiste semble la plus accompagnée. Un peu comme si chacun des membres du groupe posait sa main sur l’épaule de la chanteuse. Une empathie musicale qui décuple sa force et laisse entrevoir l’éclat de lumière qui clôt le disque, le cinématographique “Chasing the Sun”.

« Chasing the sun for you
Spending the day
Driving away the blues
« 

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