Les Tenniscoats en goguette dans le lieu suédois de la musique expérimentale : l’avant pop dans toute sa splendeur.
C’est au cœur de l’été suédois, désert culturel s’il en est, que l’on reçoit une info-lettre du musicien/promoteur John Chantler qui nous convie à un concert des Tenniscoats à Fylkingen. Fylkingen ce n’est rien moins que la plus ancienne association mondiale consacrée à la musique contemporaine sise aujourd’hui sur la rive nord de Södermalm, en face de l’hôtel de ville où se remettent les prix Nobel. Antique association sponsorisée mais gérée par les musiciens-membres eux-mêmes qui en assurent la « vie » : animation, entrée, bar… C’est une belle aventure qui dure.
Les Tenniscoats invités en Suède par le Festival champêtre Utmarksmusiken (dans le Värmland) de l’ami Berthling se voient libres un soir à Stockholm, et quoi de mieux à faire que de jouer ce soir-là ?
Heureuse surprise : le concert est complet. Comme quoi, il est possible de faire sortir les Suédois de leurs stugor (cabanes de bois) en plein cagnard !
Les Japonais sont ici chez eux (comme partout ? Du moins en Écosse avec The Pastels, en Allemagne avec The Notwist…). On se souvient d’un concert en apesanteur au bar du (Debaser) Strand, époque (bénie) Conny Charles Lindström.
Changement d’ambiance (quoique…) dans ce temple de la musique expérimentale. Une guitare, un mélodica, mais aussi des partitions et surtout un piano à queue. On n’oublie pas que les Tenniscoats, musiciens accomplis, ont mûri sous l’influence de Tori Kudo (Maher Shalal Hash Baz…) mais ont su aussi prendre le large. Ainsi on retrouve chez les deux formations le même caractère de musique très écrite mais pour laquelle on doit prendre soin de garder toute sa spontanéité et sa légèreté éphémère.
Les partitions sont bien là mais l’interprétation est quasi improvisée, redécouverte avec les mêmes qualités d’écoute que dans la musique expérimentale la plus ardue : dès le début, avec un Ueno patient, à l’écoute et qui suit les ruptures de rythme d’une Saya très joueuse au piano. Le concert est donc un jeu de chat et de souris. Saya joue des timbres amples du piano, d’un mélodica magnifique, fin à souhait, de claviers malins et bien sûr du micro et de la voix. Elle reprend un standard jazz, agrémenté de Suédois (broken swedish ?), des tubes passés, d’autres de leurs récents sets de disques “Music Exists”, exhumations de non-fonds de tiroirs.
Mais surtout, tout est jeu. Saya se lève, utilise la réverbération de la salle, perturbe le déroulement classique du concert en arpentant les coursives, les couloirs latéraux (toute une philosophie…), surprenant public et partenaire qui en ont pourtant vu d’autres…
Disons que la magie Tenniscoats fonctionne à plein dans ce qui est, pour nous, le meilleur concert du duo jamais vu. La richesse des sons, les jeux divers des interprètes sous toutes leurs coutures, l’amusement communicatif mais aussi la mélancolie joyeuse, véritablement à pleurer, tout a concouru à rendre ce moment inoubliable, capturé également par Jenny Soep (encre et aquarelles au premier rang) avec qui mes gribouillis ne rivalisent pas.
Et quand on est absolument aux anges, Saya et Ueno dégainent “Baibaba bimba” (tiré de l’inépuisable “Tan Tan Therapy” publié tout comme “Papa’s Ear” sur le label Häpna des Tape), LE tube, amenant sur scène, dans leur folie contagieuse, Andreas Söderström (notre voisin d’Årsta mais plus connu comme le guitariste de Ohayo notamment, auteur d’un délicieux album, “The State I Am in”, toujours sur Häpna) aux percussions… vocales ! Ou comment s’époumoner pour faire plaisir à ses amis. On jugera sur pièce (mal filmée) :
Un moment inoubliable, comme toujours, mais encore plus particulier et cher à nos cœurs. D’autant que, curieuse synchronicité, les amis bretons de Sundayer étaient dans la salle. Voilà qui boucle la connexion Ecosse, Hoboken, Japon… Là encore on vous invite à réécouter leurs délicieux albums “Sundayer” et “Might”. En attendant le prochain…
Avec l’aide de Johanna D., mama’s ear.