Déchaînement de la magnétosphère avec ces chansons gothico-grunge bâties sur un océan de lave en fusion : couches de basalte, crépitements de flammèches, sans oublier une belle dose de sucre pop. Un cocktail parfait de pop bruitiste puissant et rafiné.
Des triturations de bandes à la Throbbing Gristle, sur un rythme chaloupé de toms basse, de la pop sucrée qui se termine en eau de boudin dans un refrain hurlé des familles qui sent bon son grunge millésimé 90s, c’est une vague idée de “The Flesh Forteress”, cité dolente dantesque qui ouvre cet “Arcane Majeur Deux” ouvrage majeur de cette année contre-épique.
On est visiblement pas là pour rigoler ni faire dans la dentelle, quoique. Il s’agit de retricoter un chapelet d’influences. Citons pêle-mêle : Pixies, Echo & the Bunnymen mais aussi, et c’est sans doute le fil ténu qui parcours l’ensemble, le rock psyché crossover de Jane’s Addiction. De bric et de broc donc mais avec une personnalité à la fois brisée et hyper forte qui structure les tiraillements épars. L’ami de My North Eye nous avait mis sur la prolifique piste d’Ellah A. Thaun (alias Nathanaëlle Hauguel, artiste trans underground trentenaire basée à Rouen) depuis longtemps mais on s’était un peu perdu dans la profusion. Est-on simplement devenu plus réceptif ?
La magie opère sans mal dans cet album à la production énorme dans tous les sens du terme. Ellah sait également bien s’entourer : un ex-The Elektrocution, Samuel Antonin (feu Burn Hollywood Burn entre autres) aux toms basse, voilà pour les stars de l’outre-colline Sainte-Catherine.
La matière donc, épaisse mais agile, composite, organique et électronique (les deux titres finaux “Téléathine” et “Télépatine reprise”), métallurgiste aussi, le tout au service d’un évident sens mélodique, aussi frais qu’ironique : “Sentimental Brat”, meow, meow donc, ou le post-Beach Boys en version mélodie massacre, “Sister Sister”.
On nage véritablement en plein bonheur, comme un orgasme musical adolescent avec le tube “Signs & Wanders”, grand écart entre, allongeons la sauce piquante, Chris Isaak, Radiohead et la triplette My Bloody Valentine/Ride/The Jesus and Mary Chain.
« Arcane Majeur Deux » est un patchwork ambitieux mais constamment jouissif, référencé mais pas poseur, et si Ellah A. Thaun n’invente rien, cet album est quand même révolutionnaire dans ce déploiement d’étoffes chatoyantes rafistolées avec art pour envelopper d’un magma consistant ses chansonnettes, intimes cris du cœur et du fond de gorge.
C’est beau, c’est effrayant, c’est un sabbat méphisto-félin euphorisant comme une montée de champignons normands. Et c’est surtout un album ma-gni-fi-que qui fait d’ores et déjà date à Rouen et devrait conquérir la France et le monde si ce dernier était parfait. Veni vidi vicious, qu’ils disaient…
Avec l’aide de Johanna D.traquée
“Arcane Majeur Deux” est sorti le 18 février 2022.
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