Disque « en plein air » comme disait Murat, “A Beautiful Cloud” est certes un instantané de confinement mais aussi et surtout un fort bel album de Don Nino, à peine plus direct, à peine moins riche, dans lequel on retrouve tout ce concentré d’une certaine idée de la musique, vraiment indépendante.
Tiens, un nouveau Don Nino ! On s’étonne toujours de la constance de Don Nino et de notre facilité à plonger dans son univers sonore. C’est toujours pareil mais toujours différent. On ne ressent aucune lassitude, bien au contraire, c’est l’enthousiasme de (re ?)découvrir un monde qu’on connaît par cœur. Dans la grammaire de Don Nino : des batteries sèches, très portées sur les toms, entre post-rock et rythmes afro. Une basse très présente, new wave, of course. Des guitares ouvrant de vastes fenêtres depuis le folk tarabiscoté jusqu’à la noise, avec tout une palette de jeux et de couleurs (pédales). Un chant en anglais, signe des temps de l’emprise de la culture globale. Et tout un ensemble de références, sous-jacentes, typiques des années de jeunesse, années de formation, qui parcourent le disque : Prince, Syd Barrett, Cat Power et, peut-être même, John Frusciante (“Rainbow”). C’est tout un panel de notre culture qui rejaillit çà et là. Mais l’art de Don Nino n’est pas dans la citation référentielle (“Mentors Menteurs !”). C’est dans la fusion, dans la pâte que cela se joue. On sent que tout a été digéré et que des années de pratique, de jeu, de production ont assis tout ça dans ses membres.
On en prend conscience au fil des écoutes (et en lisant la bio), “A Beautiful Cloud” est un album de confinement, une récréation à la campagne avec les moyens (légers) du bord : une petite guitare (Airline Res-O-Glass), la batterie (japonaise vintage) empruntée au fils et une mythique boîte à rythmes (TR808). Voilà pour les fétichistes. Effectivement, on s’est éloigné des luxuriances des albums précédents (“Rapsody for the Dead Butterflies” et “In the Backyard of Your Mind”) mais pas tant. C’est là que la patte du maître joue car l’essence et la richesse de son univers sont complètement présents. Y compris ces petits coups de wood blocks (ou de piano à pouces) comme autant de gouttelettes de pluie. On souligne toujours chez Don Nino la présence conjointe d’un monde physique et cérébral.
Idem pour les paroles, visiblement quasi improvisées, pour certaines simplement égrenées comme un mantra ou une effusion noise, soit deux versants d’une même expérience (“A Ride”). D’autres nécessitent de prendre leur temps et s’imposent dans la durée de la chanson, passant des ponts, se jouant des chemins de traverse comme “Fascinating Time” ou “By the Fence”, ode aux joies de l’amour dans le pré.
On ne sait pas qui préside à quoi. Primo le parole dopo la musica ? Ou l’inverse ? On constate en tout cas une magistrale adéquation entre les deux, une véritable mise en son, telle ce brouillard psychédélique à la guitare (ces flangers !) qui nimbe “A Beautiful Cloud” et qui s’accorde avec les rondeurs de la basse et des peaux frappées.
Comme toujours, il y a des titres qui nous accrochent le cœur plus que d’autres. Cette fois, c’est “Walks”, randonnée lourde comme des bottes pleines de boue, traversée de nombreuses aspérités comme autant de branches qui cinglent le visage.
Le confinement a don eu une influence sur le disque (thèmes de retour à la nature, questionnements sur le changement, le vivre-ensemble, le besoin de joies simples…), et pourtant, nous sommes bien dans notre élément don-ninoesque inchangé, qui restera le témoin d’un temps qu’on voudra tous vite oublier et pourtant tout aussi pérenne que les albums précédents, qui nous sont toujours aussi précieux. C’est ce qu’on appelle le style. Et Don Nino est un maître de la haute couture.
Avec l’aide de Johanna D., randonneuse de leçons.
“A Beautiful Cloud” est sorti le 10 septembre chez Prohibited Records. Une édition limitée en vinyle avec un dessin personnalisé est disponible pour les 50 premiers chanceux.
A Beautiful Cloud
Watching the Skyline
All Necessary Changes
A Place
Rainbow
Fascinating Times
By the Fence
A Ride
In the Distance
Walks
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