Impressions de soleil de l’après-midi à la guitare improvisée.
Sous le soleil de Marseille, Hervé Boghossian nous a livré pour le dernier Bandcamp Friday d’avril quelques instantanés de sa composition. On connaît son penchant pour l’improvisation en regard de temps plus longs consacrés à la composition (on attend toujours le “Green Cardigan” en hommage à Jim O’Rourke). C’est ce premier qui est mis en avant sur ce recueil. Le temps libéré, confiné dans le home studio, n’exclut pas pour autant la concentration. C’est bel et bien un exercice demandant engagement, disponibilité et une réflexion tendue dans l’action immédiate. Le cadre est trouvé : une seule prise, deux micros pour huit pièces enregistrées directement, sans édition.
Hervé Boghossian nous ouvre les portes de son atelier d’artiste avec ce qu’il faut sans doute prendre pour des œuvres achevées dans leur gangue brute plutôt qu’un catalogue de croquis. Pour autant, on retrouve ça et là toute sa palette, ses influences, ses recherches et marottes.
“Afternoon Sun #1” se compose de riffs et jeux d’écho. Comme souvent, c’est l’occasion, aussi, d’aller chercher des harmoniques.
“Afternoon Sun #2” pourrait être un folk mélodieux mais avec des aspérités, des éclats d’aigus, des pizzicati de (presque contre-)basse.
“Afternoon (no) Sun #3”, sans Soleil donc, se veut plus spartiate avec des échos prononcés.
“Afternoon Sun #4” baigne dans une atmosphère plus sombre, tendue, avec des cordes (qui nous semblent) frappées et toujours une production d’harmoniques qui semblent être l’(un des) objectif(s) à atteindre.
“Afternoon Sun #5” cherche des cordes frisées et sonne comme réalisé à l’aide d’une guitare préparée. C’est un air de guimbarde orientale ou de piano à pouce africain qu’on entend. Le tout prend la forme d’un ensemble percussif étrange, et, pour cet amateur de gamelan, ce n’est sans doute pas un hasard. Les vibrations, plus que les notes, sont patiemment sculptées.
Sur “Afternoon Sun #6 (Rays of Strings)” les cordes paraissent frappées avec un instrument métallique et dégagent un rayonnement d’harmoniques très lumineux. C’est un très beau titre qui tourne la guitare en clavecin. On apprécie aussi les grondement de basse (et les touchers du bois).
Sur “Afternoon Sun #7” on retrouve les influences de toujours, du post-folk (Gastr del Sol, David Grubbs… ) au punk de David Pajo avec ou sans Slint. Sur de belles harmoniques, Hervé laisse s’évanouir les notes, joue des silences. Un toucher plus mat n’annule pas pour autant la présence d’accords couperets.
“Afternoon Sun #8” pourrait être new wave si HB aimait ça. Là encore ce sont plutôt les traces du post-rock, ou punk rock des 90s que l’on retrouve. Hervé creuse les phrases musicales, réintroduit au passage le blues et pour finir joue du folk comme du rock tout en sortant des ornières couplet-refrain.
C’est de la belle ouvrage, un tranche de temps très subjectivé et concentré. Décidément, les après-midi studieuses et rêveuses sont belles du côté de Marseille.
Avec l’aide de Johanna D., calanquiste à l’occasion.
“Afternoon Sun” est sortie numériquement le 2 avril 2021.