A l’écoute de ses disques – dont le dernier, l’impressionnant “Postcards from the Edge” –, on se doutait un peu que l’Américain Guy Blakeslee avait des goûts musicaux vastes et aventureux. Cette playlist qu’il nous a concoctée nous le confirme, entre private press ressuscités à l’heure d’Internet, innovateurs méconnus comme Sandy Bull, souvenirs de “Twin Peaks” et expériences incongrues (une “Gymnopédie” de Satie ralentie huit fois !). Bon voyage…
Noviciat de Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique & Four Religious Drummers – “Yesu Ka Mkwebaze”
« C’est l’un de mes morceaux préférés, je le place donc en ouverture. Je vous suis reconnaissant de m’avoir demandé de faire une playlist YouTube car c’est le seul endroit où l’on puisse le trouver. Je l’ai entendu pour la première fois sur une compilation vinyle [non officielle, NDLR] de Mississippi Records à Portland, Oregon, qui est de loin mon magasin de disques et mon label favoris. Ils m’ont découvrir tellement de merveilles ces dernières années, je leur dois beaucoup. »
Theotis Taylor – “Swing Low”
« Ce morceau est tiré d’une excellente compilation de gospel américain intitulée “Fire in My Bones”, réalisée par mon ami Mike McGonigal. J’en adore le son, celui d’un home recording sur cassette avec une distorsion parfaite. C’est une interprétation unique d’un air bien connu, qui déborde de l’extase de l’Esprit saint. »
Sandy Bull – “Gavotte 2 (pt. 2)”
« J’aime tout ce qu’a fait Sandy Bull, comme guitariste c’est vraiment mon idole. Ici, c’est une composition de Bach jouée sur une Fender Stratocaster. Quand j’ai commencé à écrire moi-même de la musique, j’ai appris énormément de façons nouvelles de combiner des idées musicales en écoutant Sandy Bull. »
Howard Menger – “The Song of Saturn”
« J’ai découvert ça sur YouTube il y a des années, peu de temps après mes propres expériences avec les ovnis. Howard Menger était bien connu en tant que “contactee”. Il prétendait que des extraterrestres l’avaient emmené à bord de leur vaisseau spatial, et que ce qu’il jouait était la transmission de messages d’un autre monde à travers ses mains et le piano. Sa musique me calme et ressemble beaucoup à celle que j’ai moi-même composée au piano récemment. »
Mark & Suzann Farmer – “Dreams”
« J’ai entendu ça pour la première fois quand mon ami Wesley passait de la musique au Footsie’s, un petit dive bar de Los Angeles près de là où j’habitais. J’aime le son de vieille cassette, la texture et l’énergie qui se dégage de leur interprétation planante de cette chanson trop entendue [l’original est tiré de l’album “Rumours” de Fleetwood Mac, l’une des plus grosses ventes de l’histoire de la musique enregistrée, NDLR]. Ils ont réussi à en faire quelque chose de neuf. Je trouve cela très inspirant de voir que des enregistrements très obscurs comme celui-ci trouvent une nouvelle vie des années après [selon Discogs, il s’agit d’un private press de 1978, NDLR]. »
The Paris Sisters – “I Love How You Love Me”
« J’ai toujours été frappé par la perfection qui se dégage de cette musique. C’est comme une drogue sous la forme d’une chanson, elle donne l’impression de rêver et de flotter dans l’espace, avec le calme étrangement détaché de leurs voix noyées dans la reverb. Je l’ai réentendue en regardant la troisième saison de “Twin Peaks” en 2017, et je suis de nouveau tombé amoureux des Paris Sisters. Je trouve extraordinaire la façon qu’a Phil Spector (ici producteur) d’utiliser le son pour créer ces brefs aperçus d’un monde idéalisé et magique. Malgré tout ce qu’il a pu faire de mal dans sa vie, je reste impressionné par ses premiers travaux. »
Julee Cruise – “Falling”
« La seule série télé qui m’ait jamais intéressée, c’est “Twin Peaks”. Son ambiance et la fascination qu’elle exerce viennent en grande partie de la musique. Voici la chanson thème par Julee Cruise, qui tout au long de la série agit comme une sorte d’ange transdimensionnel à travers ses apparitions vocales. Cette chanson, c’est comme si on tombait amoureux. »
Marika Papagika – “Zmirneikos Balos”
« Le rembetika [ou rebétiko] est parfois appelé “le blues grec”, et Marika Papagika en était l’une des stars. Je ne sais pas de quoi parlent les paroles, mais cette chanson de 1928 m’a toujours transporté dans un monde différent, un espace intemporel et innocent. »
Spacemen 3 – “So Hot”
« Le clip et la chanson s’accordent parfaitement. Je ne sais pas si c’est un clip officiel ou l’œuvre d’un fan. Jason Pierce alias Spaceman est l’un de mes héros musicaux ultimes, toujours fidèle à sa propre vision. Certains des meilleurs concerts que j’ai jamais vus étaient les siens, et cette chanson sonne comme une première version de ce qu’il allait développer plus tard avec Spiritualized. »
Joanna Brouk – “The Space Between”
« Au cours des deux dernières années, j’ai probablement écouté Joanna Brouk plus que tout autre musicien. Il y a quelque chose dans ses enregistrements qui me parle d’une manière que je ne peux pas expliquer. Elle est largement au-dessus de la plupart des musiques “new age”. La sienne est raffinée et sophistiquée, relaxante et stimulante à la fois. Le label Numero Group a réédité tous ses albums, qui étaient à l’origine des cassettes auto-éditées dans les années 1980. »
Erik Satie’s “Gymnopédie No. 1” slowed down 800 %
« Voici encore une pépite qui n’existe que sur YouTube. C’est déjà une composition absolument essentielle pour moi à la base, mais j’aime particulièrement l’écouter dans cette version huit fois plus lente. Cela me donne l’impression du passage du temps et de l’arrivée d’une tempête. »
Sibylle Baier – “The End”
« J’adore la voix de Sibylle Baier, cette impression qu’elle parle à l’auditeur à voix basse, ce qui s’explique par le fait qu’elle a enregistré les chansons réunies sur ce disque pendant que ses enfants dormaient. Encore une grande œuvre d’art restée totalement inconnue pendant des années [les chansons ont été enregistrées au début des années 70, le disque publié en 2006 seulement, NDLR] et qui acquiert aujourd’hui une nouvelle existence grâce à Internet. »