Multi-instrumentiste pour une scène indie parisienne et foutraque – Encre, Section Amour, Centenaire… –, Damien Mingus réactive son projet solo, My Jazzy Child, et revient nous hanter avec de multiples collages sonores. Du spoken word sorti d’on ne sait où, transformé en une intense pop mutante.
Si d’aventure un mélomane avisé écrit un jour un livre sur le défunt label Clapping Music, on sera sûr d’y trouver quelques feuillets sur My Jazzy Child, notamment sur les immenses “Sada Soul” (2003) et “Holy Names” (2016). On s’est jeté sans aucune mesure dans la musique de Damien Mingus, une pop lo-fi qui sait autant manier la douceur folk que la claque bruitiste d’une guitare désaccordée. On l’a ensuite retrouvé au chant et derrière les claviers de Centenaire, quatuor puis trio dont le post-rock savant nous manque toujours depuis 2014. On le retrouve aujourd’hui avec “Innéisme”, disque où les collages sonores concassent la parole pour inventer un nouveau langage sur des rythmiques nerveuses. La réinvention d’une pop expérimentale que l’on se surprend à chantonner chaque matin.
Damien Mingus manipule l’occitan avec le hindi, mélange le français et le pygmée et nous entraine dans un étrange voyage qui débute avec le clavier fantomatique et les rythmes tribaux de “Crépuscule” et se referme sur les bruitages sonores de “La Fonte des temps”. Entre les deux, on rigole avec Pierrot et Maurice sur “Tabula Rasa”, on imagine un monde parallèle où “La Belle Dame” serait une version régionale d’un tube hip-hop que l’on ne peut s’ôter de sa tête, on flippe un peu à l’écoute de l’angoissant “15 Ans” et le drone méditatif de “Alpiant” nous sauvera de cet horrible mal de crâne qui surgit en fin de journée. Enfin, que dire de la cavalcade nerveuse de “Les 36000” qui nous entraînera dans une interminable danse de Saint Guy rythmée par des “tralala” ?
Onze titres et vingt-neuf minutes plus tard, My Jazzy Child termine “Innéisme” sur une répétition de messages enregistrés, nous laissant seuls, avec la furieuse envie de reconstituer les différents documents sonores utilisés pour l’ensemble de ces compositions. L’innéisme pose pour principe qu’un ensemble d’idées ou de structures sont présentes en nous, les langues et sons ainsi inventés parlent immédiatement à l’essence même de nos croyances musicales.
On dénichera “Innéisme” chez Akuphone, label parisien apparu en 2015 et dont le catalogue propose une vision globale de la pop et du folk. Une approche archéologique des sons partagée par ce disque de Damien Mingus, que l’on écoutera pour s’aventurer dans un labyrinthe sinueux dont chaque intersection serait la musique traditionnelle d’une région du monde. Un refuge dans lequel on est heureux de retrouver My Jazzy Child.
Heimat – Zwei – POPnews
[…] une œuvre musicale en concassant différentes langues sur leurs derniers disques ? L’écoute de “Innéisme” de My Jazzy Child, “De Mòrt Viva” de Sourdure ou aujourd’hui “Zwei” de Heimat donne l’impression d’une […]