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Sur la platine de James Yorkston

En activité depuis une vingtaine d’années, le musicien folk écossais James Yorkston vient de publier chez Domino “The Wide, Wide River”, quelque chose comme son quinzième album en comptant ses nombreuses collaborations. Il l’a enregistré en Suède avec The Second Hand Orchestra, un ensemble de musiciens du cru (dont Peter Morén de Peter, Bjorn & John). Le groupe a découvert la plupart des chansons en studio et a beaucoup improvisé pendant trois jours avec leur auteur, offrant à un songwriting plutôt classique à la base des développements inattendus. De cette approche dont notre homme est assez coutumier résulte une musique vibrante, chaleureuse et profondément humaine, où l’entente et la communion entre les musiciens – qui chantent également les chœurs ou doublent la voix de Yorkston – sont palpables à chaque seconde.


Ce très beau disque où l’on entend piano, violon, violoncelle, flûte, mandoline ou nyckelharpa (instrument traditionnel proche de la vielle à roue) nous a donné l’idée de demander à l’auteur une sélection de morceaux dont se dégage, selon lui, le même genre d’atmosphère. Sans forcément se limiter à l’axe folk/trad/americana où les exemples abondent, des “Basement tapes” de Dylan et le Band au “Fisherman’s Blues” des Waterboys. De fait, ses choix, parfois inattendus mais toujours pertinents, reflètent une culture musicale sans œillères ni frontières, des grands bluesmen au poète dub Linton Kwesi Johnson en passant par la musique traditionnelle des Indiens guaranis. Des expressions variées qui ont toutes, d’une façon ou d’une autre, irrigué sa propre pratique musicale comme il nous l’explique ci-dessous, avec beaucoup d’humour et de modestie.


Link Wray – Fire and Brimstone

« Dans chacun des disques que j’ai pu faire, j’ai cherché à retrouver au moins un soupçon de l’énergie qu’il y a dans ce morceau. Il sonne comme les membres d’un groupe qui courraient derrière un taxi parce qu’ils se sont aperçus qu’ils ont laissé leur portefeuille sur le siège arrière. Et ça a été enregistré sur trois pistes – un quatre-pistes aurait été trop hi-fi, un non-sens dans le cas présent.
Un ami qui allait se marier avait une idée pour son enterrement de vie de garçon : il voulait qu’on aille à plusieurs en studio, qu’on se masse tous derrière le micro et qu’on enregistre une version de “Fire and Brimstone”. J’aurai aimé que ça se fasse, mais au lieu de ça on s’est retrouvé dans une quelconque forêt à se tirer dessus avec des pistolets de paintball – même si j’ai passé l’essentiel du temps planqué dans la voiture à faire des parties de Scrabble en ligne. »


The Velvet Underground – Run Run Run

« Dans l’esprit, ce morceau qui tourne sur deux accords, avec un refrain puissant, me rappelle simplement ce que nous essayions de créer avec le Second Hand Orchestra. Nous avions en fait un morceau dans ce genre-là que nous aurions bien aimé enregistrer, mais nous n’avons pas eu le temps. Nous l’appelions “Boogie Woogie”, c’est une chanson que j’avais écrite il y a vingt ans en buvant du mescal avec l’un de mes frères. »


Van Morrison – You Don’t Pull No Punches, But You Don’t Push the River

« L’album “Veedon Fleece” de Van Morrison dont ce morceau est tiré était l’une de nos références quand Karl-Jones [leader du Second Hand Orchestra, NDLR] et moi discutions de ce que nous voulions faire. Bien sûr, nous ne nous en sommes même pas approchés… Mais nous n’avons jamais cherché à le copier, nous en avons simplement retenu l’esprit et l’atmosphère. »


Lightnin Hopkins – Rain

« En écoutant cet enregistrement, on a vraiment l’impression d’un groupe qui joue live, tous les musiciens ensemble dans une pièce. Ils auraient peut-être pu répéter un peu plus, mais ils ont le groove et sont suffisamment en confiance pour ne pas s’embêter avec ça et laisser juste les choses couler. Je préfère mille fois une chanson comme ça qu’un tube mis au point par une demi-douzaine d’auteurs et de multiples producteurs. »


Big Joe Williams – Somebody’s Been Foolin’

« Une autre chanson pas vraiment répétée et pleine d’énergie, mais avec ici, en bonus, Big Joe Williams qui énonce à voix haute les changements d’accord quand il arrive au solo [dans le dernier tiers du morceau, NDLR]. J’ignore totalement ce qui s’est passé ce jour-là, si c’était la dernière prise d’une session d’enregistrement ou un truc comme ça, mais c’est une course haletante jusqu’à la fin, le moment où ils s’effondrent sur la ligne d’arrivée. »


The Watersons – Malpas Wassail

« C’est le son de la communauté et de la tradition, où tout est bien en place, mais naturel. Un morceau qui met simplement en plein dans le mille, avec ces harmonies qui ne peuvent venir que d’une famille. J’ai eu la grande chance d’avoir Norma Waterson [née en 1939] et son frère Mike [1941-2011] comme invités sur mon album “When The Haar Rolls In” en 2008, aux côtés de deux autres membres du clan, Marry et son frère Olly. »


Ñande Reko Arandu – Memória Viva Guarani

« Peut-être mon album “pop” préféré, que m’a donné un homme au Brésil il y a des années de cela. J’adore le mixage, le violon tellement en retrait, quasiment identique sur chaque chanson, les voix très en avant, avec ce chant comme psalmodié, et même les claquements des bâtons. Mettre les voix ainsi en avant, c’est ce que j’avais essayé de faire avec mes collaborateurs [Alexis Taylor de Hot Chip, KT Tunstall et The Pictish Trail] sur l’album “The Cellardyke Recording and Wassailing Society” en 2014, et aussi sur certaines parties du nouveau. Mais là non plus, nous n’essayons pas de copier – ce serait ridicule –, c’est plutôt un exercice d’admiration. »


Rakotozafy – Salama’nareo Tompoko O!

« Il faut absolument écouter l’unique album de Rakatozafy [une compilation de ce musicien malgache sortie en 1988, vingt ans après sa mort, NDLR]. Pour l’essentiel, c’est seulement lui, avec son fils qui joue du shaker et l’accompagne au chant. Parfois, Rakatozafy réprimande son fils parce qu’il n’est plus dans le tempo, mais l’alliance de leurs voix, avec ces falsettos aigus, fonctionne très bien. Et le son de ce shaker… En fait, j’ai tenté de le reproduire sur un paquet de chansons au fil des ans, en commençant par “Sweet Jesus”, sur mon album de 2002 “Moving Up Country”. »


Linton Kwesi Johnson – Story

« J’ai mentionné LKJ dans presque toutes les interviews que j’ai faites, semble-t-il. Il faut dire qu’il a eu une énorme influence sur moi au niveau de l’écriture des textes. Pas tant dans ce qu’il raconte, car nos expériences de vie sont très différentes, plutôt par sa scansion, sa façon de jouer avec le rythme des phrases, de les découper. J’ai sélectionné le morceau “Story” en raison de son formidable solo de violon. Je l’ai utilisé comme base et modèle à quelques reprises dans ma carrière, et pour ce nouvel album “Wide, Wide River” je l’ai fait écouter à Ullis [Ulrika Gyllenberg]. Son jeu incroyable illumine l’album, en particulier sur la chanson “There is No Upside”. »


Mercedes López – Delgadina

« Oh, combien j’aime le chant sans accompagnement… Il y a quelque chose de spécial qui se dégage d’une voix nue, chacune est différente et a sa propre beauté. Bess Cronin, Anne Briggs, John Strachan, Lizzie Higgins… Il y en a tellement que j’adore, mais voici une chanson simple, belle, sans ornements par Mercedes López, dont j’ignore à peu près tout par ailleurs. »


Mississippi Fred McDowell – Shake ’em on Down

« Il existe tellement de grands enregistrements de cette chanson. Il semble que les meilleurs, comme celui-ci, sont des captations live, avec un public qui témoigne son enthousiasme aux musiciens en poussant des hurlements. Cette version a en bonus une personne qui joue du kazoo directement dans le micro, plus les aboiements d’un chien. Les aboiements d’un chien amélioreraient n’importe quelle chanson. »


Dexys Midnight Runners – There There My Dear (live 1983)

« Je suppose que le fil conducteur de toutes ces chansons – du moins de la plupart d’entre elles – est la liberté et l’énergie qui s’en dégagent. Cette vidéo possède bien sûr ces deux éléments, mais il décroche une mention spéciale pour le caractère grandiose du morceau, le chant en call and response et l’exceptionnelle présence scénique de Kevin Rowland. Quand un chanteur crie “At this point I should do some press-ups” (« A ce stade, je devrais faire des pompes ») et qu’il le fait, il mérite sa place dans une telle liste. »


The Dubliners – Mason’s Apron

« Dans cette version, le groupe joue de plus en plus vite, et peu à peu le morceau semble se désagréger. J’aime particulièrement le solo de banjo ténor, car au moment où il commence, il est impossible à Barney McKenna de suivre le tempo, mais il réussit quand même à faire le job. »


Serafina Steer – Night Before Mutiny

« Et pour terminer, juste une très, très belle chanson. »


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