Les indépendants face à la pandémie
Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.
Paris
Nicolas Cuinier et Johannès Bourdon pour l’équipe de Petit Bain, “équipement culturel flottant” et salle de concerts dans le XIIIe arrondissement.
Quelle est votre situation actuelle, et celle de l’ensemble des acteurs de la musique indépendante
à Paris ? Et plus largement, celle de toute la filière ?
Petit Bain a été plus ou moins “sauvé des eaux” financièrement par la saison d’été où, par un concours de circonstance (avec la Covid-19, moins de durée d’exploitation, donc ceux qui géraient la terrasse à quai ne sont pas revenus cette année), nous avons géré nous-même l’exploitation de la terrasse à quai de Petit Bain, son restaurant, son bar et ses animations (principalement des concerts), en plus de la partie “sur” Petit Bain (restaurant-bar et terrasses). Ça a été compliqué de tout monter à la dernière minute, autant la structure que le contenu, avec un contexte sanitaire compliqué, des mesures limitatives au niveau du volume sonore, des horaires, etc. Mais il a fait plutôt beau et globalement, ça nous a apporté la trésorerie nous permettant de “tenir” jusqu’à la fin de l’année – avec les mesures d’aide de l’État. Par contre, la suite est bien incertaine… Et ça a été bien stressant et déprimant de passer son temps à annuler, reporter, reprogrammer, re-annuler, re-rereporter, etc. Sans savoir même, à l’heure qu’il est, quand ça va reprendre en vrai.
Pour la plupart des acteurs de la musique indépendante à Paris, la situation est compliquée. Si on parle des lieux et des orgas/assos, peu d’entre eux ont des espaces extérieurs et la plupart n’ont donc tout simplement rien pu organiser, sont restés totalement fermés ou inactifs. Si on parle des disquaires, sans accès des clients au magasin, comment tenir ? [pendant les périodes de confinement, NDLR] Le click & collect est une solution très court-termiste, on n’achète pas les mêmes disques ou la même quantité de disques en commandant sur Internet qu’en flânant entre les bacs. Les maisons de disques sont affectées et ne pouvaient plus être présentes quasiment que sur le Net. Les artistes se retrouvent dans l’impossibilité de se produire sur scène, voire de répéter, et il est compliqué d’enregistrer sans répéter. Leurs revenus, déjà souvent pas bien élevés, baissent encore. Les concerts en streaming payant, ce n’est pas une vraie solution non plus, elle est frustrante et pas beaucoup plébiscitée par le public français. Les éditeurs se voient amputés d’au moins la moitié de leurs revenus, ceux provenant des concerts de leurs artistes aussi, ce qui permet souvent de financer les albums. C’est un peu le serpent qui se mord la queue et toute la filière est affectée. Les techniciens “live”, qui sont tellement importants pour la réussite et l’appréciation d’un concert, se retrouvent sans emploi également. Même les ingénieurs son studio connaissent des galères pires que jamais, sachant que c’était déjà compliqué pour eux avec l’avènement des home studios.
Concert gratuit de Arlt sur le rooftop de Petit Bain, le 15 septembre dernier.
Avez-vous quand même des motifs d’espoir ?
On est impatients de pouvoir reprendre notre cœur de métier, organiser des concerts, accueillir des artistes et leur public. Et que tout ce beau monde puisse être debout et plus proche les uns des autres pour vivre des moments magiques ensemble. Les concerts assis avec les distanciations sociales, le masque, compliqué de boire un verre en même temps, de circuler, c’est frustrant, il faut l’avouer. Même si c’est “mieux que rien”, notre programmation habituelle s’y prête relativement peu. Espoir oui, mais quand ? On souhaite revivre “la vie d’avant”, ce terme qu’on utilise tous maintenant, on ne sait pas si on va la revivre à nouveau, ni de quelle manière…
Comment peut-on vous soutenir ?
En étant présents quand on rouvrira, tout simplement ! En relayant les événements qu’on organise, en achetant des billets pour les concerts, en venant boire des verres ou dîner avec des amis.
Continuez-vous à travailler sur des projets en attendant une situation plus propice ?
Bien sûr, on n’a jamais vraiment arrêté, même si on est forcément au ralenti, en activité partielle, sans événement concret, on planifie “la suite” sans trop confirmer sur le trop long terme car tout reste incertain. Et puis on se pose pour améliorer Petit Bain à de nombreux points de vue, et on anime aussi une émission sur StationStation, qui s’appelle “Covide-Grenier”, depuis le premier confinement, toutes les deux ou qautre semaines selon nos disponibilités. On continue également les résidences et l’action culturelle, notamment un projet avec le groupe Nova Materia : un live immersif qu’on espère vous présenter en février.
On l’a retardée, mais elle va arriver cette “Année Zéro”, la thématique de notre saison/année post-Covid, où Petit Bain essaye de se réinventer, et de revenir différemment, et, dans l’idée, mieux !
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