L’audacieuse chanteuse et musicienne tunisienne livre un double album de confinement acoustique, constitué de reprises de son propre répertoire et de ses influences anglo-saxonnes, rock et… metal, triées sur le volet. Surprenant et superbe.
Les chemins de la création sont souvent imprévisibles, ils prennent même parfois des formes pour le moins inattendues. Figure artistique et téméraire du Printemps tunisien, avec son tube et ode à la liberté Kelmti Horra, Emel a sorti trois albums avant ces Tunis Diaries, explorant des univers musicaux variés, et parfois radicaux, comme sur le précédent, le bien nommé, percussif et lancinant Everywhere We Looked Was Burning (2019).
La réalisation de ce Tunis Diaries est très singulière, à plusieurs titres. Au printemps dernier, Emel Mathlouthi, installée depuis plusieurs années à New York, passe quelques jours dans la maison de son père, sur les hauteurs de Tunis, où elle a grandi. Comme c’est arrivé à beaucoup, elle s’y retrouve prise au piège du confinement décidé par le gouvernement pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Que faire de ces longues semaines loin d’un studio, d’une scène, de tout le microcosme dans lequel baigne Emel depuis presque une décennie ? L’artiste réfléchit, se pose, décide de de faire le point, et d’embrasser d’un large regard sa propre carrière, mais aussi de revenir à ses premiers goûts musicaux, ceux qui lui ont fait emprunter cette voie intrépide qui lui a permis de construire un pont artistique assez inédit entre ses influences orientales, electro ou encore… metal (adolescente, déjà iconoclaste, elle a d’ailleurs commencé comme chanteuse d’un groupe de hard rock).
Presque totalement démunie, mais débrouillarde, Emel dégote un enregistreur 4-pistes remisé au fond d’une pièce de la maison, et arrive à se procurer une guitare électro-acoustique par l’intermédiaire de sa communauté de fans virtuelle. Elle peut alors commencer à enregistrer ses “Carnets de Tunis”… Soit 9 titres tirés de ses précédents albums ou singles, et 9 reprises parmi des morceaux pour elles emblématiques, puisés dans un répertoire anglo-saxon.
Sur un jeu de guitare d’une grande maîtrise, varié et inspiré, elle pose ainsi son timbre incomparable, assurant elle-même les chœurs ou les deuxièmes voix, pour un résultat stupéfiant : elle accouche ainsi non pas d’un, mais de deux grands albums. Les reprises de ses précédents morceaux dans leur nudité mettent indéniablement en valeur la qualité de son écriture, ses mélodies subtiles… La palme revient peut-être à Holm, qui ouvre cette première partie, ou Sallem, qui la clôt, circonscrivant un très beau collier de perles où brille d’un éclat immense Libertà (évidemment, serait-on tenté d’écrire)…
Et quel n’est pas notre notre bonheur d’enchaîner ensuite avec un seconde “face” dédiée à des covers d’artistes et de chansons vénérés par l’artiste… Nirvana, Bowie, Leonard Cohen, mais aussi les Cranberries, Jeff Buckley ou… Black Sabbath et Rammstein, en souvenir des premiers émois metal. Si les reprises de “The Man Who Sold the World” ou “One of Us Cannot Be Wrong” sont littéralement stratosphériques, les covers de titres metal se hissent au même niveau et font de ces morceaux des merveilles d’épure, mettant en évidence leurs qualités de composition, parfois perdues dans l’électricité lourde des versions originales… Pas perdues pour tout le monde, grâce à l’oreille et au talent d’Emel.
L’artiste tunisienne s’est désormais installée à Paris pour des raisons familiales et pour y poursuivre sa carrière sinueuse, audacieuse, et toujours passionnante. Une chance, si cela nous permet de la voir bientôt sur les scènes françaises, lorsque le monde redeviendra fréquentable, et que la vie, la vraie, reprendra ses droits. Ces lumineux Tunis Diaries nous permettront de patienter sans problème durant tout l’hiver, sans aucun risque de lassitude…
Le webzine de la pop
François Girard
Emel Mathlouthi sortit un disque magnifique : Kelmti Horra
Emel se perd dans les productions mainstream : chant majoritairement en anglais tout propre, de la réverbe gluante et une production sonore qui claque (la planète serait-elle peuplé de sourds?).
Emel veut faire du chiffre. Les vidéos postées ne sont guère rassurante quant à la volonté de l’ex Mathlouthi de sortir la production sonore mercantilistique.
Dommage
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