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Disques

Other Lives – For Their Love

Avec cette période si particulière que nous venons tous de vivre, ce confinement imposé pour nous protéger d’une menace extérieure et, en même temps, cette injonction à se divertir pour occuper ce temps de latence indéterminé, il s’est avéré, comme bien souvent, que la meilleure échappatoire était la musique. Dans l’idéal, une musique pour s’évader, une musique des grands espaces, pour nous emporter loin de cet enfermement contraint. Sorti au mois d’avril, en plein confinement, le quatrième album d’Other Lives a représenté cet idéal.

Cinq ans après “Rituals ”, les Américains se sont réunis pour enregistrer ce nouvel album dans la maison (dont la photo figure sur la pochette du disque) d’un ami près de Portland, dans l’Oregon. A la façon de The Band avec Big Pink, ils y ont trouvé le cadre idéal pour composer et développer leurs idées, et tout le temps nécessaire pour peaufiner leurs arrangements. Les précédents albums d’Other Lives étaient déjà richement arrangés et orchestrés mais ce nouvel opus montre encore plus de profondeur et de relief. Autant le précédent était aérien et lointain, autant celui-ci est beaucoup plus terrien et organique. A l’écoute de ce disque, une sensation de vertige nous étreint même devant la grandeur des arrangements et des orchestrations, toujours utilisés sans ostentation.


Dès “Sound of Violence”, introduction à la Scott Walker avec des cordes majestueuses, nous sommes emportés par l’ampleur des arrangements ainsi que par la voix hantée si reconnaissable du leader Jesse Tabish. “Lost Day”, le morceau suivant, apparaît aussi richement orchestré mais aussi plus rythmé, notamment avec un violon qui, tout du long, nous guide tel le joueur de flûte de Hamelin. L’aspect plus percussif de la musique constitue ainsi une autre différence notable par rapport aux albums précédents. De “Cops” à “Hey Hey I”, en passant par “Nites Out”, l’auditeur suit le rythme marqué par une batterie bien présente ainsi que par les autres instruments. Sur “Dead Language”, en revanche, la pulsation se fait plus lancinante, les cordes plus discrètes, mais les chœurs angéliques de Kim Tabish, l’épouse du chanteur, font percer la lumière.

Au milieu de l’album, un morceau nettement plus long que les autres se dégage de cet ensemble homogène. Avec son long prologue instrumental, “All Eyes / For Their Love” est un vertigineux voyage spatio-temporel où la grandeur et la virtuosité des orchestrations nous transportent dans des sixties rêvées où Glen Campbell ou Lee Hazlewood seraient orchestrés par le regretté Ennio Morricone, qui vient de disparaître. L’ombre du compositeur plane également sur “We Wait” où la guitare, les chœurs et les cuivres nous donnent presque l’impression d’être dans un western spaghetti de Sergio Leone. Un film dont Joey Burns et John Convertino de Calexico tiendraient les rôles principaux, tant l’influence des deux hommes de Tucson transparaît également sur ce titre. L’album se termine sur “Sideways”, chanson plus sobre et plus calme mais toujours somptueusement arrangée.


Cet album de folk orchestral est sans doute le disque le plus beau et le plus incarné des Américains. Enregistré dans un espace clos, il nous a ouvert de grands espaces et nous a plongé dans des climats cinématographiques et oniriques qui nous ont déconfinés avant l’heure. Par sa façon de mêler l’intime et le grandiose en un tout cohérent, “For Their Love” restera comme la bande-son de ce si étrange printemps 2020. Surtout, ses dix chansons tutoyant la perfection installent définitivement Other Lives parmi les groupes majeurs du moment.

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