Moins d’un an après le déjà surprenant “Groove Denied”, Stephen Malkmus n’en finit pas de nous étonner. Le leader de Pavement nous propose cette fois un album folk à la fois intime et audacieux, à classer parmi ses plus réussis.
Stephen Malkmus s’amuse comme un petit fou. Là où certains y voient une quête d’identité, votre humble serviteur penche pour une soif de découverte et un besoin de ne rien se refuser. L’homme le plus cool du monde s’était déjà fait plaisir avec son “Groove Denied” (2019) qui tentait une incursion dans l’électronique plutôt expérimentale. Cette fois, pour son neuvième album post-Pavement (en solo ou avec les fidèles Jicks), Stephen Malkmus s’aventure du côté des “musiques du monde”.
Mais rassurez-vous, ses chansons ne sombrent jamais dans une world music sans âme. Des instruments venus des Balkans, du Proche-Orient ou d’Afrique se mettent au service de délicieuses mélodies folk (tendance British parfois) et rock. Si les Jicks sont absents, Stephen Malkmus s’est entouré de musiciens… traditionnels dont Matt Sweeney, partenaire habituel de Will Oldham, entre autres. Et cela se sent. La dizaine de ballades proposent un joli voyage dans les contrées de la musique folk (en)traînante et intime, dans laquelle se seraient glissées des sonorités singulières et discrètes, notamment le kaval, une flûte des Balkans ou encore l’udu, instrument à percussion du Nigeria.
Mais la touche Malkmus est bien là. Certains titres (le single “Shadowbanned” ou “Flowin’ Robes”) sonnent comme des versions de “Shady Lane” (sur “Brighten the Corners”, 1997) qui auraient vieilli de 20 ans, tandis que “The Greatest Own in Legal History”, avec sa guitare steel et sa reverb sur la voix rappelle “Major Leagues” (sur “Terror Twilight”, 1999), la folie juvénile en moins, la maturité en plus.
À 54 ans, Stephen Malkmus prend toujours autant de plaisir à nous surprendre et à gratter sa guitare à six ou douze cordes. Le plaisir est communicatif. Alors que les fans attendent la re-reformation de Pavement et les concerts des Primavera Sound de Barcelone et Porto (reportés à 2021 pour cause de vous-savez-quoi), ce nouvel album est un bon moyen de patienter en se languissant. Il semble avoir été enregistré en live, dans un cocoon intime où des invités du monde entier viennent apporter leur petite touche personnelle. Si quelques longueurs se font sentir en fin de parcours, le final “Amberjack” nous donne l’opportunité d’entendre une émotion rare dans la voix de Malkmus, l’ancien pote et partenaire du regretté David Bernam (Silver Jews, Purple Mountains). L’occasion de nous surprendre une fois de plus.