L’écoute de “Dream Hunting in the Valley of the In-Between” date déjà de quelques semaines. Nous étions alors encore en plein confinement, et heureux de retrouver Honus Honus (alias Ryan Kattner) et son infernal orchestre Man Man, fondé à Philadelphie en 2003 et qui n’avait pas donné de nouvelles discographiques depuis sept ans. Des souvenirs nous revenaient, d’abord ceux de “Rabbit Habits” (2008), album furibard sur lequel Honus Honus proposait une alternative lumineuse au “Swordfishtrombones” de Tom Waits, et où un certain délire nous embarquait sans prévenir pour faire la fête. “Life Fantastic” (2011) sera pour nous l’occasion de voir Man Man en concert, où l’on gardera pour toujours le souvenir d’une bamboche aussi improvisée qu’une vieille polka jouée au piano dans un rade.
“Dream Hunting in the Valley of the In-Between” s’ouvre et se referme sur deux ballades jouées sur un piano fatigué, de celles que l’on entend en fin de soirée ou au petit matin. Entre les deux, la fanfare Man Man nous aura offert les rythmes chaloupés de “Cloud Nein” (sic), la folie douce de “Inner Iggy”, la production pour chapiteau de cirque de “Unsweet Meat”, le chant goguenard de “Powder My Wig” A l’arrivée, l’impression d’entendre un disque mi-fête mi-énigme, parfois mélancolique quand les trompettes se taisent. La nouba commence sur les chapeaux de roue avant de s’éteindre tout doucement, comme si elle n’avait jamais eu lieu.
Dix-sept titres plus tard – le disque s’étale sur trois faces de vinyle –, on se dit qu’on aimerait bien retrouver ce petit monde sur scène (il faudra encore attendre un peu), ne serait-ce que pour voir Honus Honus martyriser son piano tout en sifflant une bière tiède. Dans ces moment-là, on imagine bien le public se lancer dans une sorte de carmagnole infernale dont on ressortira hébété, avec l’impression d’en avoir trop vu et trop entendu, mais heureux. Si rien ne change vraiment, les festivités flamboyantes de Man Man avancent toujours pour retrouver l’abandon.