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Disques

Le Goût acide des conservateurs / My North Eye – L/G/A/D/C Δ MNE

C’est un curieux objet que cette cassette en microédition proposée par Équilibre fragile. Un format court, à peine quelque 18 minutes, qui sent (et montre) le sapin avec une très belle et amusante pochette évocatrice de Yann Lélias. On est en terres connues : des Tombeaux baroques à la musique de corbac, on sait que les Regrets hantent la pop éternelle de Sainte Colombe à Joy Division.

Le Goût acide des conservateurs et My North Eye creusent leur trou commun de manière assez intéressante. Les ex-Alice The Goon ont laissé leurs premières amours indie rock pour le tripotage de claviers sous l’excellent alias Le Goût acide des conservateurs. “Oubliettes” étire le temps, s’installe dans une répétition lente, avec des nappes de claviers évocatrices pour glisser dans une ambiant sombre. On n’est clairement pas dans la frange la plus hardcore de la musique dark expérimentale tendance Fear Drop (dont un nouveau numéro vient de paraître, à commander ici), mais on sent partout l’esprit de la cold wave et du krautrock comme ralenti, dépecé. Que reste-t-il des guitares ou des basses ? Une pulsation comme rythme, des frottements comme textures. On pense à certaines ambiances du Ghost Tropic de Jason Molina dans le côté bidouilles pleines d’âmes : à la croisée des chemins entre musique expérimentale, rock et dérivés kraut.

My North Eye suit exactement la même pente et poursuit ses explorations de l’Aufhebung, troisième du nom (on en repérait deux dans l’album II). Permettons-nous une incartade explicative d’un concept bourgeonné chez Hegel, fleuri chez Marx et un peu flétri par Freud : Aufhebung, « processus d’une contradiction dialectique où les éléments opposés sont à la fois affirmés et éliminés et ainsi maintenus, non hypostasiés (démerdez-vous !) dans une synthèse conciliatrice ». On comprend bien que le concept-mot valise boche interpelle notre folkeux en errance.

On a déjà parlé des transes de la musique répétitive, de LaMonte Young à Charlemagne Palestine, des remontées médiévaleuses pop à la Nico ou Jozef Van Wissem. Ici, on pense avant tout, pour le son de clavier et les grands écarts synthétiques (aufhebung, aufhebung…), à Suicide et à Switzerland Heritage d’Herman Düne (souvenez-vous, il était dédié à Martin Rev et à Alan Vega…). On est dans cet esprit-là, dans quelque chose de flottant, permanent et fluctuant à la fois. On est agacé et absorbé, titillé par ces irisations, ces acidités. Puis une voix sépulcrale s’élève. C’est plus un râle qu’un chant, une sonorité primale, un aum portant, encore ?, la vie et, aussi (surtout), la destruction de son monde, sinon du monde. Shiva-là ?
Cathartique une fois de plus.

Avec l’aide de Johanna D. 559

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