La pop n’a plus de frontières. Cela fait longtemps qu’on le sait. Mais c’est toujours un plaisir de voir un groupe, ne venant pas du monde anglo-saxon, proposer une musique que l’on aime. C’est pour cela qu’on suit avec attention Motorama, groupe russe originaire de la ville de Rostov-sur-le-Don, aux portes du Caucase. Ce groupe mené par Vladislav Parshin existe depuis une petite quinzaine d’années et a sorti cinq albums dont le dernier « Many Nights », paru l’année dernière. La pop sombre et mélancolique de Motorama a su nous séduire au fil du temps, notamment en raison des sonorités développées qui ne sont pas sans évoquer certains groupes qui nous sont chers. Eh oui, les influences anglo-saxonnes, on y revient toujours. A l’occasion du Festival Invisible, en novembre dernier à Brest, Vladislav Parshin nous a parlé de ces influences, du processus créatif du groupe mais aussi du label bordelais Talitres qui les héberge depuis quasiment leurs débuts. Rencontre avec un homme discret, passionné et toujours à la recherche de nouvelles aventures.
« Many Nights », votre cinquième album, est sorti il y a un an. Qu’avez-vous fait depuis cette sortie ?
Nous avons enregistré des démos pour les prochaines chansons. C’est tout, nous n’avons pas encore de nouvelles chansons complètes. Ce sont juste des démos, des idées.
Vous avez dit que votre dernier album était notamment inspiré par la scène new wave de l’ancienne URSS. Que pouvez-vous nous dire à propos de cette scène ?
A la fin des années 70 et au début des années 80, en URSS comme au Royaume Uni ou aux Etats-Unis, c’était le moment de la new wave et beaucoup de groupes étaient dans ce style. En URSS dans les années 80, beaucoup de groupes jouaient ce genre de musique. Nous avons grandi en écoutant ces groupes qui passaient aussi chez nous de temps en temps. On écoutait également leurs albums, des groupes comme Kino et d’autres encore.
Vous parlez également de l’influence de groupes du label néo-zélandais Flying Nun Records sur votre dernier album. Si cet album est plus léger et plus lumineux, c’est peut-être à cause de cette influence ?
Oui, peut-être. Musicalement parlant, c’est un mélange de différentes influences. Ce n’est pas seulement ces groupes en provenance de Nouvelle-Zélande, ça vient de différentes musiques d’un peu partout dans le monde : de Scandinavie, de Russie, de France ou d’Allemagne. Nous aimons beaucoup la musique électronique et cet album est peut-être un peu plus dansant et électronique. Certains morceaux ont été faits à partir d’instruments électroniques ou de bongos, comme pour les Happy Mondays qui, au début des années 90, étaient chez Factory Records tout comme Stockholm Monsters ou The Wake. C’est ce mélange de différentes choses qu’on adore qui nous a influencés.
Vous dites que vous avez été influencés par des groupes français. Quels groupes en particulier ?
Par exemple, il y a certaines chansons d’Indochine qui nous ont influencés. J’aime beaucoup certaines chansons de Sébastien Tellier également, en particulier ses premiers albums tels que « Universe ». J’aime aussi des groupes plus récents comme Requin Chagrin et leur chanson « Sémaphore ».
Avec un an de recul, quel regard portez-vous sur ce dernier album « Many Nights » ?
Je ne sais pas. Je pense qu’il faut attendre encore un peu. Peut-être l’année prochaine parce que nous jouons les chansons et nous avons besoin de temps pour prendre du recul par rapport à cet album.
Comme ces prédécesseurs, cet album est sorti sur le label français Talitres. Comment êtes-vous arrivés sur ce label ? Et qu’appréciez-vous dans cette collaboration ?
Sean, le patron de Talitres, nous a écrit en 2012 après nous avoir vus à Tallinn, en showcase à la Tallinn Music Week, et il nous a demandé si nous étions intéressés de sortir quelque chose sur son label. On aimait les groupes qu’il avait déjà sortis, on appréciait ses goûts musicaux. Quand nous l’avons rencontré, nous l’avons trouvé très sympathique. Et nous travaillons toujours ensemble. C’est notre seule expérience avec un label et nous n’avons pas l’intention de changer. Ce n’est pas un gros label, c’est un label DIY, un peu comme le groupe. Nous ne sommes pas trop intéressés par le business, la promotion, etc. Tout comme Talitres qui est un label local. Nous apprécions également le fait qu’ils n’aient pas peur de sortir de la musique venant d’un peu partout, de la musique bizarre, étrange.
Que pensez-vous de l’évolution de votre musique ?
Nous n’y pensons pas trop, en fait. Nous écoutons différentes musiques, nous essayons différents instruments. Si on sent que ça fonctionne, on l’utilise comme, par exemple, des instruments électroniques, des cordes ou le fait de chanter de différentes manières. C’est un processus intuitif. Nous savons comment nous voulons que le groupe sonne ou existe, quel groupe nous avons besoin pour nous, c’est comme ça que le groupe s’est lancé au milieu des années 2000. Nous avons commencé le groupe en nous disant que nous pouvions faire nous-mêmes la musique que nous aimions.
Donc, si je vous demande comment vous définiriez votre musique, vous ne pourriez peut-être pas répondre à cette question…
Je pense que c’est de la musique pop. Il y a des structures simples avec des couplets et des refrains, il n’y a pas de trucs expérimentaux. C’est de la musique à guitares qui se danse parfois. D’autres fois, il y a ce feeling new wave. C’est un peu mélancolique, romantique. Ça peut aussi être de la musique pour voyager, quand vous regardez à travers la vitre quand vous vous voyagez et que vous écoutez ce genre de musique.
On vous compare souvent à Joy Division. Personnellement, je ne vois pas trop la ressemblance. Est-ce que cette comparaison vous dérange ?
Non, je pense que c’est parce que, en quelques années, Joy Division est devenu célèbre. A la même époque, dans les années 80, il y avait beaucoup de groupes qui jouaient le même genre de musique comme, par exemple, The Chameleons, The Wake, beaucoup de groupes de chez Factory Records ou encore Dead Can Dance. Ça ressemble à Joy Division mais les gens ne connaissent surtout que Joy Division. Mais c’est un grand groupe, je n’ai rien contre cette comparaison. Je pense que c’est à cause de la voix, j’ai commencé à chanter de la même manière, c’est pour ça qu’il y a eu cette comparaison.
Si on retourne dans le passé, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?
J’aime vraiment jouer et essayer différents instruments, apprendre à en jouer. J’aime aussi tout l’aspect visuel autour du groupe, les pochettes d’albums en particulier. Parfois, je pense même aux pochettes d’albums avant la musique. Les posters, les vidéos, etc.
Qu’est-ce qui vous inspire pour vous chansons en général ?
La musique, la littérature, le cinéma, les amis, etc. La vie, tout simplement.
Vous avez aussi un autre groupe qui s’appelle Utro. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce groupe ?
C’est un groupe composé des mêmes membres. On chante en russe. C’est un peu plus expérimental en termes de son et de structures des chansons. Ce n’est peut-être pas une musique facile d’accès mais c’est un autre genre de musique qui nous intéresse.
Utro est moins pop que Motorama ?
Oui et c’est surtout moins populaire en général (sourire).
Motorama existe depuis presque quinze ans. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette carrière, sur ces quinze ans ?
Je ne ressens pas ces quinze ans. Le groupe changeait tout le temps. Chaque année, nous avions quelque chose de nouveau. Ce n’était pas si ennuyeux. C’est pour ça que je ne sens pas le nombre des années.
Pour finir, quel va être le futur de Motorama ?
Je pense que ce sera la même chose. Nous allons préparer de nouvelles chansons, les enregistrer et les jouer en concert. Faire des pochettes, des vidéos peut-être. Cela fait partie de la « routine » favorite du groupe. Donc, on n’essaie pas de changer ça.
Donc, votre prochain album sera bientôt prêt ?
Je ne sais pas. Je n’ai rien planifié. J’espère l’année prochaine, mais nous verrons bien.