Il y a eu la période New York puis Berlin (ce que j’appellerai, en gros, sa période Lou Reed), la période mélangiste avec The Wave Pictures (dans le genre rock blueseux, qu’on pourrait appeler aussi sa période Lou Reed), la période caribéenne-Calypso (dans le genre politique et polyamoureux), le compagnonnage amoureux avec Freschard (neverending tour et love story), la country old time avec la bande norvégienne The Kaniks et, depuis quelques années, la belle période hellène avec une vraie réussite, « Apocalypso », qui devrait (aurait dû ?) avoir un succès plus étendu que dans la fanbase la plus hardcore d’André et Clémence. Les deux albums parus cette année creusent ces deux dernières veines
« Babylon Vibrations » a été enregistré en Grèce l’été dernier avec The Old Time Kaniks, soit The Kaniks pas mal amputés et réduits à Olav Christer Rossebø au violon et Ingemund Askeland au banjo. J’ai un ami très cher, fan de Old Time et malgré toute l’affection que j’ai pour lui, sa musique me tape sacrément sur les nerfs (et aussi sur ceux de sa famille, il fut un temps, peut-être encore aujourd’hui). Est-ce un reste d’angoisse lié à une vision trop jeune de « Deliverance » de Boorman ou à de trop nombreuses visites dans le parc en plein air de Skansen ? C’est dire si ces deux disques me hérissent passablement le poil (de plus en plus rare) entre banjo et crin-crin (fiddle dit-on en anglois, c’est plus sympa). Depuis « Yaya », j’ai une assez bonne tolérance au ukulélé, pour détourner un titre de John Darnielle sur « Goths », mais le banjo, si j’aime l’instrument et en jouer (gratouiller) à l’occasion, vraiment, je ne peux pas l’écouter. Ecouter ces disques relève donc pour moi du pensum même si cela conviendra sans doute à d’autres (amis banjophiles…). C’est dommage car une fois de plus, Stanley touche les étoiles plus d’une fois, toujours avec son éternelle décontraction qui, plus qu’une pose à la Pavement, est aussi une façon de lutter contre l’Empire, le Bio Pouvoir, le Spectacle (rayez fortement les mentions inutiles). Ces pas de côtés, dansés, contre la Grande Babylone sont évoquées dans « Ways around the law » et c’est plus amusant, et sans doute plus efficace, que de s’infliger le dernier ouvrage du Comité Invisible. Finalement on pourrait dire que Stanley est un pessimiste heureux et même de plus en plus heureux. Et même si le constat est de plus en plus sombre, il n’en retire, semble-t-il, aucune amertume (« Small One »). On voyage donc dans la bohèmerie mondiale, des plages grecques (« Sand & Stone ») aux interstices des incarnations physiques du grand Capital dans lesquelles le chiendent arrive encore à prendre, entre Zurich et Londres, sur « Babylon let’s Go ». Nous avons toujours un quota de chansons bien-être avec « Too good » et « When he’s gone » et son fort sympathique fredonnement et des chansons d’amour toujours bienvenues comme « Love is cocktail » et « My loved one is here » (« They don’t have sunshine. They don’t have cold beer but my love one, but my love one is here. And the wasps and moskitos come back every year but my love one, but my love one is here », ce genre de trucs) et aussi des chansons tire-larmes, comme seul notre monkey André sait les pondre et qu’on trouve souvent en fin de disques (« To go », très bon avec… yodel et le thème Brinksien de la Norvège dont on apprécie la récurrence depuis cette chanson magnifique qu’est « My heart is just like Norway ») : « One evening », chanson crépusculaire est de ce genre-là, avec un très bel accompagnement au violon sur un banjo discret (ceci explique peut-être cela…), du genre qui fait qu’un jour, il y a plus de 17 ans, on a acheté un CDr avec pochette en carton dans un étui en plastique et qu’on ne s’est toujours pas lassé de le faire depuis tout ce temps. À la liste de Stendhal sur les goûts durables, je peux donc ajouter, outre les épinards et Saint Simon, les disques d’André Herman Düne/Stanley Brinks.