« Well they lifted the stone and they mapped the stars
Brought back the keys and unlocked their hearts
And the birds returned with songs in their eyes
With maps to the world never seen
Maps to the world never seen »
(“Midnight Sun”)
Au début des années 2000, on a pu assister à une véritable résurgence de la musique folk américaine. Will Oldham, Devendra Banhart, Sufjan Stevens, M. Ward, Espers et quelques autres renouvelaient alors le genre sous de multiples formes. Indie folk, freak folk, psych folk, alt country… refondaient l’americana traditionnelle dans un joyeux œcuménisme musical.
En 2005 sortait “In the Reins”, un EP de sept titres qui réunissait Calexico et Iron & Wine. Celui-ci était particulièrement emblématique de ce moment musical. Les sudistes de Calexico, qui avaient amorcé le retour d’une musique roots américaine dès les années 90 en y mêlant influences latinos et mexicaines, expérimentations post-rock et touches jazzy, s’associaient pour la première fois à Sam Beam d’Iron & Wine. Ce dernier apparaissait comme l’un des nouveaux venus les plus inventifs de cette scène néo-folk, et son deuxième album, “Our Endless Numbered Days”, paru en 2004, peut être considéré comme une œuvre majeure de ce courant. Sur “In the Reins”, les compositions bucoliques de Beam, entre Nick Drake (pour la voix) et John Fahey (pour la guitare), s’ouvraient aux grands espaces des arrangements de Joey Burns et John Convertino, les têtes pensantes de Calexico. Il suffit de réécouter cette version live de “He Lays in the Reins” (ci-dessous) pour se convaincre de la parfaite cohésion des deux univers musicaux en présence.
Il aura cependant fallu attendre quatorze ans et bien des albums de la part des deux groupes pour que ceux-ci se décident à réitérer un projet commun. L’approche y est cependant très différente d’“In the Reins” pour lequel toutes les chansons avaient été écrites par Sam Beam et orchestrées par Calexico dans leur studio de Tucson. Pour “Years to Burn” qui vient donc de paraître, l’écriture a été partagée entre Beam et Burns. L’enregistrement a quant à lui eu lieu à Nashville en seulement quatre jours, dans une sorte d’urgence créative.
Le résultat est un album court, 32 minutes, de huit titres. Les musiciens, dans la quarantaine, ont annoncé celui-ci comme un ouvrage de la maturité, tant dans les thèmes que dans les choix musicaux. S’y croisent des lyrics mélancoliques et introspectifs, des orientations franchement country (“What’s Heaven’s Left”, “In Your Own Time”), un instrumental où la trompette de Jacob Valenzuela de Calexico prend des libertés free jazz (“Outside El Paso”), une composition très cinématographique en trois temps imprévisibles jouant des modifications soudaines de registres (“The Bitter Suite”). Parmi tous ces titres très réussis, il faut s’attarder sur “Midnight Sun”, splendide chanson où la voix de Sam Beam retrouve les inflexions de Paul Simon pour une belle ballade au rythme lent.
Inventive et d’une très grande richesse, cette nouvelle collaboration entre Calexico et Iron & Wine laisse espérer que les routes des musiciens se croiseront avant les prochaines quatorze années. En attendant, il sera possible de les entendre sur scène au Festival du Bout du monde en août et à La Cigale le 16 novembre.
Alain Hertay