La salle de la Rock School Barbey, à Bordeaux, accueillait en cette fin de mai Aldous Harding, qui venait ainsi présenter son dernier album en date, le superbe “Designer” paru chez Beggars. Le disque vient consacrer la naissance d’une auteure folk des plus douées, capable d’audaces vocales comme de titres au classicisme maîtrisé à la perfection.
Sur la grande scène, dans la salle principale (la date était originellement prévue pour une formule club, plus intime, rendue caduque par le succès), il est l’heure d’ouvrir et c’est Laura Jean, jeune femme de Melbourne, qui s’y colle. Si la musicienne – toute seule avec sa guitare et des claviers – a quelques fulgurances, l’alternance pas toujours bien dosée entre folk calme et moments éthérés peine à marquer mon esprit. Dotée d’une belle voix et d’un talent qui se devine, Laura Jean nous aurait certainement plus captivés si nous n’avions pas attendu avec impatience Aldous Harding.
Une demi-heure après qu’ont retenti les dernières notes de l’Australienne, la Néo-Zélandaise lui succède avec un groupe au complet, qui s’avérera tout à fait formidable. Il faut en effet rendre hommage à ces accompagnateurs pour leur sobriété et leur précision, qui vient souligner le talent étincelant d’Aldous Harding. La jeune femme se met instantanément la salle dans la poche et intime un silence qui fait – paradoxalement – plaisir à entendre. Sa présence est tellement forte, sa voix si précise que l’audience est subjuguée, guettant chaque mouvement, chaque regard, chaque posture, l’ensemble donnant une petite impression de décalage permanent. Le personnage d’Aldous Harding, qui roule des yeux, prend un temps notable entre les chansons, ne vient pas parasiter les merveilleuses chansons dont elle est l’auteur, il vient juste y amener plus de corps et d’âme.
La setlist justement sez concentre sur “Designer”, dont la chanson éponyme vaut au public de voir les premiers pas de danse d’Aldous Harding, qui pousse aussi sa voix dans les inflexions les plus nasales, ajoutant un petit déséquilibre dans ce mélange improbable entre folk gracile et passages chaloupés. De facture plus classique, “Zoo Eyes” (et sa touche légèrement psychédélique) puis “Treasure” continuent de faire monter l’émotion avant le moment cathartique de “The Barrel”, où la salle ondule gentiment. De son album précédent, la songwriter ne gardera que “Blend”, morceau sur lequel elle tient une tasse à la main, sur laquelle elle tape avec une baguette de batterie, avant de finir sur un sublime “The World Is Looking for You”. Glissant aussi un superbe “Elation” (des sessions de “Party”) et un “Old Peel” (nouveau titre ?) tout aussi convaincant aux côtés d’extraits de “Designer”, Aldous termine avec beaucoup de classe ce concert. On en ressort avec l’impression d’avoir assisté à quelque chose de plus grand qu’un simple concert justement, l’œuvre d’une musicienne déjà immense.