Pour son nouvel album, Rozi Plain emmène sa caravane lo-fi dans une partie de campagne rêveuse et jazzy.
Au commencement, il y a la puissance chaude et sensible d’une guitare électrique nue, esseulée par son propre écho et qui semble, pas à pas, inventer la mélodie qui doit l’amener au silence. Mais au moment où elle paraît s’éteindre, voilà qu’elle est ressuscitée – par quelques notes éparses, de batterie d’abord, puis des percussions timides, suivies d’une constellation d’instruments épars, dont les notes, les accents, se croisent et se frottent, s’égayant autour de la guitare désormais en marche. Puis, royales, la voix suave de Rozi Plain et la basse qui la leste viennent emplir cet espace encore indécis, lui donnent son centre et sa gravité. Un cortège nomade vient d’entamer le premier de ses voyages et « What a Boost! » en sera le recueil.
« Inner Circle » est en effet l’aube de ce nouvel album de Rozi Plain, qui n’est affaire que de paysages naissants, de mouvements doux, d’heures grisées par la rosée où le temps hésite à passer. C’est souvent une figure de guitare qui donne le ton et la cadence du morceau : elle tourne et avance, sur des signatures rythmiques atypiques et discrètement changeantes, que la voix suit ou non avec une égale sérénité. Leur horizon est vaste, diffus, et les instruments qui s’y font entendre sont comme les ombres d’animaux fantastiques à peine aperçus – trémolo songeur d’un clavier vintage (« Quiz », « Where There is No Sun »), feulement de saxophone (« Swing Shut ») ponctuations vocales (« The Gap ») ou boîte à musique brisée (« Inner Circle »). La physionomie de ces paysages est mouvante, et chaque écoute leur donne davantage de relief – ils peuvent être chtoniens (« Dark Places ») ou féériques (« Conditions »), pluvieux (« Symmetrical »), presque illuminés (« The Gap »), mélancoliques et tortueux (« Quiz »). Et ce ne sont pas les mots de Rozi, délibérément flottants, qui perceront ses atmosphères de brouillard et d’humus – elle-même, sur sa pochette, n’est qu’un dos.
De ce point de vue, What a Boost! n’est pas radicalement différent de son prédécesseur, Friends. C’est, à quelques exceptions près (notamment celle d’Ash Workman – Metronomy, Frànçois and The Atlas Mountains – qui mixe l’album) la même troupe d’amis à l’œuvre, devant (Amaury Ranger, Gerard Black, Kate Stables) et derrière la console (James Whitby Coles, le batteur, est également producteur de l’album). Bien que les titres aient été élaborés, et parfois enregistrés, pendant la tournée de This Is The Kit, où Rozi tient la basse, c’est également au Total Refreshment Center que s’est façonné l’ouvrage. Le matériau même reste fondamentalement identique – aspects jazzy, sonorités électroniques et voix caressante se mêlant en un folk lo-fi champêtre.
Mais là où « Friends » proposait des compositions à l’orchestration retenue, économe, les instruments semblent ici plus libres, proches de la tangente, et pourtant toujours aimantés par la douce voix de leur maîtresse. C’est par cette déprise, ce relâchement volontaire ne sacrifiant rien à la complexité, que Rozi Plain parvient à se renouveler, de manière discrète mais décisive ; et c’est dans ces paysages d’après l’ondée, encore humides et terreux, qu’elle atteint son zénith.