TOY (malgré les bas de casse sur la pochette, les capitales sont généralement de rigueur, effet graphique oblige) fait partie de ces groupes qui suscitent l’estime plus qu’une réelle passion. Capables de concerts assez prenants – malgré une présence scénique plus proche d’une formation shoegaze que d’Iggy & the Stooges –, les Anglais adptes d’un rock brumeux et hypnotique enchaînent depuis 2012 les albums tout à fait dignes avec régularité. Leur discrétion et leur persévérance sont sans doute louables dans un monde qui ne jure que par les coups d’éclat et les emballements médiatiques, mais contrairement à leurs amis de The Horrors, il manquait jusqu’ici à leur discographie un classique du calibre de “Primary Colours” qu’ils pourront interpréter en intégralité sur une grande scène anglaise dans dix ans. Groupe indé à l’ancienne dans une époque où le concept est quelque peu démonétisé, TOY va-t-il se contenter de jouer les seconds couteaux avant de jeter l’éponge ?
S’il est peu probable que le nouvel album “Happy in the Hollow” (le premier qu’ils produisent eux-mêmes, le premier aussi pour le label Tough Love) élargisse considérablement le cercle des adeptes, il montre en tout cas un groupe parvenu à maturité, qui affirme davantage sa personnalité que naguère. Les ingrédients ne sont pas tellement différents que sur ses autres disques, et forment comme toujours de multiples strates, mais ils sont agencés avec une dextérité, une finesse et un sens du contraste qui faisaient un peu défaut jusqu’ici. Quand l’album précédent, “Clear Shot”, faisait se succéder des morceaux d’indie rock à guitare plaisants mais manquant de relief, “Happy in the Hollow” mord d’emblée, avec la pulsation métronomique et irrésistible de “Sequence One”, sous influence Krautrock.
Suit le plus tempéré “Mistake a Stranger”, où l’alliance d’une mélodie vocale mise plus en avant qu’à l’accoutumée, de gimmicks de guitare façon pedal steel et, surtout, d’un theremin, crée une ambiance cotonneuse et un brin irréelle dans laquelle on se laisse flotter avec délices. La brutalité du titre suivant, le bien nommé “Energy”, n’en est que plus saisissante : batterie qui cogne, accordages dissonants que n’aurait pas reniés Sonic Youth, et voix parlée menaçante mixée cette fois-ci beaucoup plus en arrière. Evidemment, le vaporeux quatrième morceau, “Last Warmth of the Day”, en prend le contre-pied en revisitant le psychédélisme gothique de certaines chansons de Bauhaus, tout en citant – sans doute fortuitement – le riff de quatre notes de “Girl You’ll Be a Woman Soon” (plutôt la fameuse reprise par Urge Overkill que l’original de Neil Diamond) !
Comme s’il avait voulu nous montrer dès l’entame tout ce dont il était capable, TOY baisse ensuite la garde, enchaînant des morceaux tout aussi riches en atmosphère mais plus doux, à la rythmique souvent en retrait, sans que jamais l’ennui ne pointe. Mêlant les arpèges d’un folk presque pastoral aux nappes et aux beats synthétiques (le glacis de “Strangulation Day” évoque les débuts d’OMD), le groupe séduit sans forcer. Et parvient à se renouveler sans abandonner pour autant sa signature sonore. Une belle réussite.