Musicien d’origine tunisienne vivant à Bruxelles, Jawhar est l’auteur d’un premier album autoproduit sorti en 2002, “Rainbows Call – Rainbows Fly”, chroniqué en son temps par POPnews. Il y était évoqué en ces termes : « un album à la fois doux, aérien et langoureux mais aussi épuré et exigeant ». Dix ans plus tard, son successeur, le magnifique “Qibla Wa Qobla” (“Le Baiser et l’Orientation de la prière”), accentuait ces qualités à travers une belle harmonie qui croisait chaâbi traditionnel chanté en arabe et folk aérien sous influence Nick Drake, une référence revendiquée par Jawhar. De ce mariage improbable naissaient des miniatures folk mélancoliques et épurées telles que “Idhallil”.
On attendait donc avec impatience le disque suivant. Celui-ci est aujourd’hui disponible. Intitulé “Winrah Marah” (“Où est Marah ?”), il rassure d’emblée par sa constance, se révélant digne en tout point des productions précédentes de Jawhar. Ainsi, un titre comme “Sghar” maintient la douceur éthérée qui charmait l’auditeur à l’écoute de l’album précédent.
Là où “Winrah Marah” surprend – en bien ! –, c’est par l’étendue et la diversité de sa palette musicale. Les compositions de Jawhar se sont enrichies ici de multiples influences, folk toujours, mais également soul, blues, voire rock (“Guelou Lmout”), et l’instrumentation associe volontiers guitares acoustiques et électriques, cordes et piano. L’amateur de world music en sera pour ses frais. Si l’arabe reste la langue employée tout au long de l’album, les arrangements sont quant à eux plus franchement occidentaux, tout comme les musiciens qui contribuent à ceux-ci et accompagnent Jawhar sur scène : David Picard aux claviers, Yannick Dupont à la basse, Louis Evrard à la batterie.
On serait d’ailleurs tenté de prolonger le parallèle avec Nick Drake en se souvenant qu’au dépouillé “Five Leaves Left” avait succédé le très varié “Bryter Layter”, déroutant le folk baroque initiale de “River Man” vers les accents franchement pop et bossa nova de “Poor Boy”. C’est une même recherche d’ouverture qui conduit Jawhar de “Qibla Wa Qoblaw” à “Winrah Marah”, des comptines intimes du premier aux vastes paysages mélodiques du second.
Il reste à souligner la qualité des prestations scéniques de Jawhar et de ses musiciens. Sur scène, en état de grâce, ceux-ci alternent les titres du dernier album, les compositions inédites et les versions électrifiées de titres anciens. Le chant, en arabe, mais aussi parfois en anglais ou en français, conserve la pureté des enregistrements, et la générosité des musiciens prolonge le voyage musical amorcé par les albums.