Certains ont peut-être découvert Matt(hieu) Holubowski cette année au Festival de Bourges, où il se produisait à la même affiche qu’Alela Diane. Ou en première partie de Ben Folds, quelques semaines plus tard à Paris. Au Québec, sa carrière est déjà bien lancée : ce garçon amateur de nature et de voyages, réputé sympathique et proche de ses fans, a été finaliste en 2015 du télécrochet “La Voix” (contrairement à nous, nos cousins québécois se sont évidemment donné la peine de traduire “The Voice” en français). Coaché par Pierre Lapointe, Matt, 30 ans cette année, y a entre autres repris des morceaux de Ray LaMontagne et Bob Dylan. Sur YouTube, on le voit s’attaquer à Bon Iver ou Leonard Cohen (l’inévitable “Hallelujah”), mais aussi Radiohead et Death Cab for Cutie. Il chante également en français, avec un accent indéfinissable, pas vraiment québécois.
La mère de Matt Holubowski est bien québécoise, cependant, et son père polonais, comme l’indique un peu son nom. Ce mélange de cultures et de langues, et le sentiment d’être un éternel étranger qui peut en découler, est au cœur de son deuxième album, “Solitudes”, qui a déjà connu un beau succès sur ses terres (il y est sorti en septembre dernier), et que distribue le label Yotanka en France. C’est un disque de folk moderne, plutôt introspectif et raisonnablement mélancolique, tantôt dépouillé (dans la lignée de son premier album, disponible sur les plates-formes de streaming), tantôt plus orchestré, qui sait aussi laisser la place au silence quand il le faut. On peut s’amuser à chercher les influences, notamment celle d’un autre Canadien, Patrick Watson (Matt lui a emprunté son excellent guitariste, Simon Angell, également membre de Thus:Owls, dont l’apport n’est pas négligeable ici). Et la voix, très belle, rappelle bien des chanteurs “sensibles” actuels, du précité Bon Iver au Français Raoul Vignal en passant par Chris Garneau.
Comme eux, et contrairement à beaucoup de candidats des émissions type “The Voice”, Holubowski n’est pas qu’un interprète. A défaut d’être tous transcendants d’originalité, les onze titres portent la marque d’un authentique songwriter, aux idées très arrêtées sur la façon doit sonner sa musique – le disque est magnifiquement joué, produit et arrangé. Et s’il peut lui arriver de céder à une emphase à la Jeff Buckley, cela est toujours préférable au folk gentillet prêt pour les synchros pub qu’usinent tant de ses pairs…
Sur “L’Imposteur”, l’une des deux chansons en français de “Solitudes”, Matt Holubowski semble se demander s’il mérite bien tout ce succès et cette reconnaissance – limités au Canada pour l’instant. Fausse modestie ou syndrome “The Voice” (grâce à l’émission, il a évidemment été plus exposé que bien d’autres chanteurs débutants) ? On ne sait pas trop, mais on peut en tout cas le rassurer : des imposteurs, on en connaît un paquet (notamment en France), et il n’en fait pas partie.