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Disques

Damien Jurado – The Horizon just laughed

Damien Jurado - The Horizon Just Laughed

Jurado fait une belle carrière. Celle d’un rescapé des 90’s qui aurait toujours pris la vague au bon moment et su éviter la lame de fond. Le grunge, Sub Pop, le virage folk, Secretly Canadian, le téléchargement et la mort du support physique. Damien a eu maintes fois l’occasion de succomber, et en évitant les pièges (l’astuce ? la chance ?), il s’est non seulement maintenu, mieux, il a creusé son sillon et s’est imposé comme l’un des rares petits maîtres du folk moderne quand nombre de ses pairs passés et à venir végètent dans une interzone entre succès d’estime et tournées bancales.

On ne va pas refaire plus avant le film mais disons qu’après une période Richard Swift tout simplement magique voire quasi mystique (de « St Bartlett » à « Brothers and Sisters of the Eternal Son » en passant par « Maraqopa », laissons de côté « Visions of US on the land » qui nous avait laissés tellement perplexes qu’on ne l’avait même pas chroniqué), Jurado revient vers son fonds de commerce : la guitare en bois et la voix. Le plus simple appareil tel que sur « Over Rainbows and Rainier » : soit du Bob Dylan pur jus de chaussettes sales avec guitare minimale puis une discrète orchestration aérienne qui joue les apparitions. Il y a aussi un air de David Ivar Herman Düne, quand il était Roi de la pouillerie folk parigote.


Sur « Dear Thomas Wolfe », c’est le fantôme de Curtis Mayfield qui vient se mêler à la fête, histoire de rappeler que ça vient de là aussi, le bleu, l’âme. Pour le reste, Damien se cale et se colle sur ses patrons, de Dylan donc à Kozelek, et marrie journal intime et errances poétiques. Rien de mieux pour cela que d’énumérer noms et pays selon la méthode proustienne (nom de pays : le nom/nom de pays : le pays) et de dérouler le texte afférent. Et chez Jurado, les noms (d’écrivains, d’acteurs, de dessinateurs, de producteurs, de copains, sans visages ni figures, jamais…) et les pays, ça compte. Au milieu du disque (fin de la face A), le chef d’œuvre : « The Last Great Washington State ». Les Américains ont cette chance : la candeur et la sincérité (la naïveté aussi, bien qu’elle soit aussi finalement plus que partagée par nous, auditeurs bêtas) de chanter leur origine étatique ou provinciale. Difficile d’imaginer sans rire, disons Murat chanter « Je t’aime mon Auvergne chérie » (et pourtant…) ou, un autre encore plus improbable, « Provence-Alpes-Côte-d’Azur, je t’aurai toujours dans le cœur », sans parler, évidement, de Gérard Blanchard… Jurado, lui, le fait divinement et, pour un peu, c’est la larme à l’œil qu’on l’entendrait chanter son pluvieux état de Washington. Souvenons-nous de l’autocollant sur sa guitare du même état avec un grand « Home » en lettres capitales, eh bien, c’est touchant. Grandeurs et misères de l’amateur de folk US…

« The Horizon Just Laughed » est un faux disque gris aux couleurs cachées, discrètes (un peu de Swift sous le tapis de « Marvin Kaplan », « Florence-Jean » ou « Random Fearless »), un vrai grand petit disque de reprise en main après les luxuriances swiftiennes, machette au poing, l’esprit affuté, la main sur la bible de mormon et son panthéon personnel dans le cœur. Allez, « The Horizon Just Laughed » est bien, très bien même, peut-être encore meilleur que les premières écoutes le laissent entendre. En tout cas, on l’espère, le prochain sera sublime.

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