Avant même d’écouter ce disque sorti chez Moshi Moshi (Meilyr Jones, The Wave Pictures, Teleman, Babe…), la pochette nous rappelle quelque chose. L’artiste à l’intérieur d’une voiture à la carrosserie bleue et aux cadres de portière chromés, le tout couvert de goutelettes de pluie… Difficile de ne pas penser à celle du premier album de Peter Gabriel – qui contenait le tube “Solsbury Hill” –, sorti en 1977. Coïncidence, peut-être. A priori, notre cher Watson, basé à Londres, moitié du duo Slow Club et également membre des Surfing Magazines, ne partage pas vraiment la prédilection pour l’emphase et la théâtralité de l’ancien chanteur de Genesis, et son premier disque solo est nettement plus laidback que “Peter Gabriel 1” (également appelé “Car”). D’ailleurs, il sourit derrière son poing.
Un certain goût pour une expérimentation accessible pourrait toutefois les rapprocher, ainsi qu’une vision du monde un brin angoissée : Watson, qui écrit également de la fiction, dit s’être ici inspiré de “Hello America”, un roman de J.G. Ballard (1981) qui se passe dans une Amérique du Nord rendue quasi inhabitable par un désastre écologique. Sans que les références au livre soient vraiment évidentes, les textes, assurément brillants, empreints d’incertitude et de désenchantement, semblent décrire un monde dystopique où se débat un personnage en quête de liberté.
Ces thématiques sombres contrastent quelque peu avec la musique, très harmonieuse et de prime abord plutôt classique à l’oreille, mais pas si évidente à classer. Entre soft rock des années 70, prog planant (petites réminiscences Pink Floyd période “The Dark Side of the Moon” sur l’ouverture en faux plat, “Voices Carry Through the Mist”) et americana, avec un soupçon de soul soyeuse (“Abandoned Buick”), voire de gospel ? En tout cas, Charles Watson ne cherche pas à tout prix le gimmick efficace ou le refrain catchy. S’il sait trousser des mélodies qui flattent l’oreille, il a surtout réalisé un album homogène et cohérent, au midtempo confortable, dans lequel s’immerger pendant trois quarts d’heure, jusqu’à l’épiphanie de “Everything Goes Right”.
Premier de ses disques produit par l’auteur, en compagnie de son collaborateur de longue date David Glover, “Now That I’m a River” bénéficie de la présence de fines gâchettes comme l’ex-Guillemots Fyfe Dangerfield (qu’on avait un peu perdu de vue), Paul Rafferty de Hot Club De Paris ou Rozi Plain. L’un de ses aspects les plus remarquables est le traitement de la voix, qui parvient à paraître à la fois proche, dans la tradition des singers-songwriters, et perdue dans un ailleurs indéfini, à travers le travail sur les chœurs et les harmonies. Quelque part entre les ambitions panoramiques de Midlake, les arrangements opulents de Matthew E. White (qui avait produit Slow Club) et l’écriture ouvragée d’Andy Shauf, Charles Watson nous emmène très haut.