Avec la sortie d’un film (“The Inertia Variations”), d’un coffret de trois disques, et prochainement d’une biographie, Matt Johnson revient dans l’actualité après une quasi-absence de près de 20 ans. Mais ce qui a créé l’événement, ce fut surtout l’annonce de trois gros concerts de The The à Londres, puis d’autres dates en Europe et aux Etats-Unis. Pour s’échauffer, trois premières performances en public ont eu lieu à Nottingham et Leeds, dont les billets sont partis en quelques minutes seulement.
A Leeds, c’est dans un lieu plutôt réservé aux futurs grand noms de la pop qu’aux groupes bien établis que The The a donné son troisième (et dernier) concert de warm-up avant de débuter officiellement la tournée. La salle est logée au sein d’un complexe universitaire, et rien au-dehors ne laisse deviner sa présence. L’absence de poster ou de tout écriteau suffira à semer le doute chez les fans arrivés à la première heure, et les passants ne semblent pas au courant du concert. Fort heureusement, quand nous revenons un peu plus tard, les fans forment déjà une queue sur les escaliers étroits, rejoints ensuite par une foule de gens de tous âges arborant des T-shirts au célèbre logo The The. Il n’y a pas de doute, c’est bien ici !
Après une heure d’attente, arrive la première partie, DJ Food, qui crée une atmosphère sonore particulière en mixant des extraits de titres de The The. Curieuse idée… Après 40 minutes de set, et même pas 3 minutes de pause, les membres de The The montent sur scène. Le groupe est composé de Matt Johnson, James Eller à la basse et DC Collar au piano, qui tous deux jouent avec le groupe depuis la tournée The The Versus The World en 1990 ; Earl Harvin, qui l’avait rejoint au début des années 2000 ; et Barrie Cadogan, guitariste de Little Barrie recommandé à Matt par son ami de longue date Johnny Marr.
C’est avec une chanson pas des plus connues, “Global Eyes”, qu’ils débutent. Son clair, musiciens précis. Suit le tube “Sweet Bird of Truth” qui confirme cette impression. Le jeu de percussions du batteur est incroyable, révélant un background de musicien de jazz au toucher très subtil. Le public est enthousiaste, et chante les paroles en même temps que Matt. Celui-ci invitera d’ailleurs le public à l’accompagner sans hésiter, ce qu’il fait pendant le premier tiers du concert, avant de se contenter d’écouter. On n’est pas tassé et on a l’impression d’assister à un « fan club show » – ce genre de concerts souvent réservé à moins de 100 personnes. Notons aussi que la scène, sans être immense, est quand même relativement large, avec un écran blanc derrière. Ce côté à la fois éclairé et panoramique crée une certaine convivialité, sans étouffer l’audience.
L’écran sera utilisé pour des projections vidéo réalisés par Vicki Bennett et basées sur des extraits des films “The Inertia Variations” et “Infected” (1986). Il est ainsi aisé de deviner ce qui va se passer quand c’est au tour de “Heartland” d’être jouée. Suivent deux tubes de “Mind Bomb” (1989) : “The Beat(en) Generation” (la génération d’avant ? celle à venir ? « nous tous », dit Matt), puis un – on ne peut plus d’actualité – “Armageddon Days Are Here (Again)” dont l’intro provoque encore une fois le déchaînement (vocal) du public.
Matt nous parle de Leeds où il n’était pas venu depuis longtemps, et se désole de la destruction d’anciens bâtiments. Il est vrai qu’il s’est beaucoup investi dans la préservation du patrimoine architectural de l’est de Londres, mais a fini pour jeter l’éponge (« you can’t fight against those bastards »). Le groupe présente ensuite le nouveau single de The The, “We Can’t Stop What’s Coming”, et poursuit alors par une série de chansons de “Dusk”, l’album à succès de 1992. Des photos des frères décédés du chanteur sont projetées sur “Love Is Stronger Than Death”, suivi de “Dogs of Lust”, “Helpline Operator” et “This Is the Night”. Sur la plupart des morceaux, l’harmonica est remplacé par un mélodica joué par DC Collar.
Le dernier tiers du set (avant le rappel) est composé de chansons de toutes les époques. Notamment le single “This Is the Day” que Matt expliquera avoir écrit à l’âge de 7 ans, où déjà il s’interrogeait sur la mélancolie et le monde autour de lui. Le public reste scotché par la performance de Barrie, le guitariste, qui reproduit avec beaucoup de technicité les harmonies complexes des chansons. Ceux qui regrettaient encore l’absence de Johnny Marr pourront ajouter un nouveau guitar hero à leur liste. Le set se clôt avec deux titres de l’époque new wave, “Infected” et “I’ve Been Waitin’ for Tomorrow (All of My Life)”.
Matt Johnson revient pour un rappel en solo avec “True Happiness This Way Lies”. Puis le groupe joue “Uncertain Smile”, dont DC Collar parvient à reproduire fidèlement l’énergique solo de piano, terminant debout, penché sur son instrument. Pour ne pas abandonner un public euphorique, The The conclut avec “Lonely Planet” – “Dusk” aura ainsi été joué dans sa quasi-intégralité.
Il serait tentant de regretter l’absence de certains titres, comme le fabuleux “G.I.A.N.T.”, le langoureux “Gravitate to Me”, “The Whisperers”, des morceaux plus rock de “Naked Self” (2000), ou encore la ballade mélancolique “Pilar Box Red”. Mais on ne peut pas tout avoir ! D’autant que le groupe a fait l’effort d’aller piocher quelques face B ou des extraits du tout premier album “Burning Blue Soul” (1981). Et puis, deux heures pour un retour sur scène, c’est déjà fabuleux ! Même si l’on sent encore le côté “warm-up” de la chose, le groupe maîtrise déjà très bien les morceaux, et nul doute qu’après plusieurs semaines de tournée, les musiciens se permettront d’improviser un peu plus sur scène. Ne reste plus qu’à espérer au moins une date en France !