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The Smiths – The Queen Is Dead (Deluxe Edition)

The Smiths - The Queen is dead (Deluxe Edition) 

Après « Sgt. Pepper » (1967) et « OK Computer  » (1997), deux autres sommets du rock anglais, c’est au tour de « The Queen Is Dead », sorti au printemps 1986, de se voir offrir en cette année décidément commémorative une réédition à la hauteur du chef-d’œuvre indépassable qu’il est. Et on pourrait voir, en ces quelques publications récentes et les dates qui leur sont attachées, comme un résumé du meilleur de l’histoire du rock anglais : 1967, un âge d’or pop, 1977, le début de la révolte punk (les Pistols) et d’une forme déjà élaborée d’expérimentation synthétique (le « Low » de Bowie) – menant l’un comme l’autre, symétriquement et de manière complémentaire, au post-punk de Joy Division ou de Wire – ; et 1987 donc, année signant la fin officielle des Smiths, dont l’influence marquera sans nul doute la Britpop de la décennie suivante. Ironie du sort, la date anniversaire n’aura ici pas été totalement respectée puisque dans le cas du 3e album des Smiths (hors compilations), c’est bien 31 ans après sa sortie officielle qu’il nous parvient aujourd’hui, enrichi d’un deuxième disque de démos et d’inédits et aussi de l’enregistrement d’un concert donné la même année à Boston.

Si « Meat Is Murder » était un disque nerveux et intense et « Strangeways… » un chant du cygne sublime – et tout autant une inépuisable collection de chansons –, cette réédition nous rappelle combien « The Queen Is Dead » possède une unité formelle plus qu’aucun autre disque des Smiths. Chaque morceau y trouve une place qui lui revient, contrastant avec ceux qui le précédent ou viennent après lui. Et c’est comme un récit à tiroirs qui s’offre à nous, tissé musicalement par Johnny Marr et empli grâce aux paroles de Morrissey de toutes sortes d’échos. A vrai dire le temps ne saurait avoir de prise sur ce disque d’une richesse proprement inouïe, de la cavalcade du morceau-titre au lancinant « I Know It’s Over » (l’une des plus déchirantes chansons de l’histoire de la pop ?), de l’inoubiable lyrisme de « The Boy… » à la lumière vibrante de « There Is A Light…. ».  

Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire (et à imaginer) sur la relation entre les deux têtes pensantes du groupe : Johnny Marr, pur musicien taillant à l’intérieur de ses compositions pour ne garder que l’essentiel, et Steven Patrick Morrissey, adulte lettré (le chanteur a déjà vécu plusieurs vies et est alors âgé de 26 ans) jetant un regard distancié sur les états d’âme propres à l’adolescence avec une morgue et un humour qui n’appartiennent qu’à lui. Il ne faut pas oublier l’importance souvent sous-estimée du duo rythmique de l’ombre constitué d’Andy Rourke et de Mike Joyce, apportant à eux deux toute la plasticité et l’énergie nécessaire à l’édifice smithsien, en permettant surtout à leurs deux leaders de jouer pleinement libérés.

L’historiographie des Smiths est connue : porté par la grâce, le groupe travaillait vite, trouvant d’emblée la bonne formule pour chacun de ses titres (ce dont attestent les démos des titres de l’album, très proches de leur enregistrements finaux). Ce troisième album n’échappa pas à la règle édictée depuis les débuts du groupe en 1982 : à peine deux mois, et plusieurs sessions courtes durant lesquelles Morrissey et Marr, soutenus par l’économe Stephen Street, se répondaient à distance, le premier aux horaires de bureau, le second retravaillant les arrangements du disque des nuits entières à partir du chant de son aîné et partenaire de jeu, malgré les doutes et l’alcool : le guitariste en sortira épuisé, et conscient de l’importance de l’œuvre, passera les 15 jours suivant l’enregistrement enfermé chez lui, dans un état post-traumatique.

Et l’émotion est palpable à l’écoute des démos présentes sur le second disque. On y découvre, inédites, la plupart des compositions déjà (presque) parfaitement en place : un « Some Girls… » et ses guitares toujours aussi avenantes, un « Never Had No One Ever » appuyé par la présence d’une trompette qui disparaîtra dans sa version définitive, rappelant au passage la proximité avec le « Pacific Street » des Pale Fountains.

Et comme avec les Smiths un miracle n’arrive jamais seul, on enviera ceux et celles qui (re)découvriront « Asleep », extraordinaire chanson, dépouillée et lumineuse, placée en face B du single de « The Boy With A Thorn In His Side » (et sur la compilation posthume « Louder Than Bombs »), dans laquelle le chant de Morrissey nous saisit et plane très haut au-dessus de nos têtes. Pour ne jamais redescendre ? 

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