« Lilies » est son troisième album. On l’avait remarquée avec « No Deal » en 2013, elle avait confirmé nombre d’espoirs avec le superbe et ambitieux EP « Blackened Cities » en 2016. Avec ce nouveau disque, Melanie De Biasio deviendra immense, signant peut-être au passage le disque de 2017.
2017 sera-t-elle l’année des femmes en musique ? la simple évocation d’un disque comme celui de Susanne Sundfor, « Music For People In Trouble », suffirait à confirmer ce raisonnement. Ce ne sera pas le sublime « Lilies », 3ème album de la Belge Melanie De Biasio, qui viendra contredire la chose, loin s’en faut. Jusqu’à présent, on parlait de la dame avec une curiosité grandissante. « Lilies » va bien plus loin que tous les espoirs que l’on mettait en elle. Tout au long des neuf plages qui constituent ce joyau noir, on ne saura jamais vraiment où nos pas nous porteront. Ici, trip hop, là susurrant à la manière des grands taiseux comme Sylvian ou Hollis. Assurément jazz, parfois pop, la musique de Melanie De Biasio est tout sauf inoffensive. Elle est d’une sensualité pervertie par la noirceur, le blues à l’œil comme à l’âme.
On pourra citer Nina Simone, Antony and the Johnsons ou encore Michael Cashmore pour ce même combat avec la tristesse et le désespoir. En ouverture, « Your Freedom Is the End of Me » est dans la continuité de « Blackened Cities », avec sans doute une forme d’épure qui s’installera tout au long du disque. Il sera difficile de ne pas penser à Nina Simone à l’écoute de « Gold Junkies » et sa rythmique qui emporte tout. Mais là où la Belge est la plus bouleversante, ce sont dans ces chuchotements à mi-chemin entre femme fatale diaphane et ombre évaporée, à l’image du titre qui donne son nom au disque. Peut-être les plus connaisseurs retrouveront un peu de ce qu’ils aiment dans les disques de Norma Winstone avec ou sans Azimuth sur l’excellent label ECM.
Melanie De Biasio n’hésite pas à prendre des risques, comme ce vibrant « Sitting In The Stairwell » dans son plus simple appareil. Car assurément la démarche inhérente à tout ce disque, c’est cette volonté de vouloir alléger de toute futilité ou tout poids non nécessaire ces chansons.
« Brother » avec son minimalisme soyeux vient creuser son sillon dans votre chair avec ses paroles énigmatiques. Il ne faudra pas non plus oublier d’insister sur une production totalement passionnante, qui fait la part belle à la délicatesse et à une mise en relief des émois les plus imperceptibles de la dame. « Afro Blue » ressemble à une rencontre entre Beth Gibbons et John Coltrane.
« Lilies », c’est un peu comme neuf pièces chargées de menace, on sent souvent l’orage qui gronde dans les sous-sols, le décor toujours sur le point de disparaître dans l’incendie. « All My Worlds » pourrait être la nécrologie de nos doutes. Pourtant, jamais l’obscurité n’envahit totalement ce disque inconfortable, on s’y sent presque coupablement bien. Toujours avec cette quête d’épure, parfois ces chansons ne ressemblent qu’à des squelettes osseux, des esquisses non-achevées. Ces espaces que l’on se chargera de remplir.
Ces espaces qui deviennent l’intime ultime, sans doute quelque part la marque des grandes œuvres.