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Disques

Mark Kozelek and Sean Yeaton – Yellow Kitchen

Mark Kozelek - Yellow Kitchen

Je suis un peu perdu dans le décompte des albums de Mark Kozelek cette année, dans sa production toujours pléthorique et dans ses titres toujours plus longs. On ne va pas se plaindre mais tout de même. Voilà donc un album difficile, dirons-nous. Mark chante/récite toujours ses textes sur une production signée ici Sean Yeaton de Parquet Courts, proche de celle de Jesu, à savoir une musique, plutôt électronique, très répétitive et, soyons juste, un peu rêche, tendance musique contemporaine pour faire vite. On retrouvera donc un peu de Philip Glass dans « Time Destination », des vents parcimonieux sur « No Christmas Like This » ou des claviers plus ou moins Tubular Bells sur « Somebody’s Favourite Songs ». On n’a jamais rien eu contre la musique contemporaine, au contraire, on est même très Feldman (pas François, Morton) mais, la répétition ici est un peu lassante pour peu que l’on écoute l’album d’une oreille distraite, en faisant la vaisselle, ou pire ses courses : on risque alors de se perdre dans le supermarché et de faire trois fois le rayon des conserves pour ramener douze boîtes de Campbell Soup dont on ne saura que foutre.

La tendance à l’épure est ici plus que jamais présente. On a souvent affaire à du collage sonore (cf la partie très Sonic Youth lo-fi et complètement dissonante avec le reste du morceau sur « No Christmas Like This » feat. Steve Shelley) et le format chanson est par terre par K.O. technique : des semblants de refrains rafistolés à l’aide de changements mélodiques, des phrases vaguement répétées (le plus drôle est dans « Time to Destination » : « Our DJ is so badass, Our DJ is so cool », je vous laisse écouter le début et l’explication). On est bel et bien dans un atelier de bricolage où l’inconfort, la nouveauté, l’essai font partie des matériaux finaux.

Plus que jamais, il faudra tendre l’oreille et se jeter complètement dans l’océan Kozelekien. Cela vaut toujours le détour. Pour ceux qui n’ont pas suivi les épisodes précédents, Mark vient d’avoir 50 ans, Trump est sur le point d’être élu, ça sent un peu le cafard. Pourtant, et malgré la musique rugueuse, la bonhommie de Mark surnage dans tout ça. Il fait bon de vieillir pour le Koz : on relativise, on ne s’embarrasse plus avec l’écriture de chansons et on le chante (« Time to Destination » ou « Somebody’s Favourite song »). On rêve aussi beaucoup cette Yellow Kitchen, c’est dire si c’est un album vivant ou, du moins, qui reflète exactement la vraie vie de Mark. On pense à la Recherche de Proust dans laquelle on dort aussi beaucoup et pas par ennui (j’en vois deux au fond qui pouffent), « Yellow Kitchen » starring un Marcel qui aurait remplacé les fumigations par des stocks de diverses vitamines que l’ami Mark gobe comme Bez ses PEZ à la strychnine en son temps.

Notre gros ours doux comme un agneau chante toujours autant l’amour avec chaleur (voire moiteur, cf les mots bippés dans « No Christmas Like This ») dans le folk anglicisant et plein d’écho angoissant de New Orleans de « I’m Still in love with you » et surtout dans la charmante et popeuse « The Reasons I Love You », énumération des plus sympathiques. Là encore, respect maximum : vous êtes-vous déjà fait virer d’un zoo pour avoir montré vos tétons aux singes ?

Allez : on parie presque que Mark arrivera à nous refourguer, avec bonheur, les albums qu’il enregistrera avec les infirmières dans sa maison de retraite.

En attendant, il est loin d’avoir perdu son punch et les 12 minutes de « Daffodils » nous font voyager d’un concert à un enterrement, en passant par un changement de bouton électrique, et se termine par une douce évocation fleurie. Proust, je vous disais, même si les jonquilles remplacent les aubépines.

C’est peut-être le morceau le plus riche, notamment grâce à l’intervention à la batterie de Jim White (Dirty Three) jouant plus sur la mélodie que sur le rythme. Malin. Très très malin.

Il faudra certainement jeter plus qu’une oreille sur le récemment sorti Mark Kozelek with Ben Boye and Jim White. Pfff… On n’en sortira jamais.

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