Grand pays producteur de musique, le Canada se distingue plus, à l’exportation, pour son indie-rock incandescent (Broken Social Scene, Islands…) ou pour son folk-rock émotionnel (Great Lake Swimmers, Evening Hymns…) que pour la vitalité de sa scène indie pop « canal historique ». Le succès grandissant d’Alvvays, jeune quintet de Toronto qui évoque souvent les plus belles heures de la scène C-86, est toutefois en passe d’inverser la tendance. Révélée par un premier album prometteur (« Alvvays », 2014), la formation de l’Ontario restait jusqu’alors essentiellement associée au refrain obsédant d’un joli petit tube underground, « Archie, Marry Me ».
Ce deuxième album, produit par John Congleton (The Walkmen, Anna Calvi, Cloud Nothings…) et auquel a notamment participé Norman Blake de Teenage Fanclub, possède lui aussi un grand single au potentiel rassembleur. Sublimé par le timbre juvénile de l’émoustillante Molly Rankin, le vaporeux « Dreams Tonite » est en effet d’ores et déjà désigné comme la bande-son officielle des plus beaux rêves de l’année. En revanche, là où leur premier essai pouvait ployer sous le poids du majestueux « Archie », « Antisocialites » vaut clairement pour la qualité de chacune de ses dix chansons.
Toujours à l’aise avec la twee pop la plus batailleuse (« Plimsoll Punks », « Lollipop (Ode to Jim) »), Alvvays peut faire écho à la fougue ingénue des Shop Assistants (« Your Type »), flirter avec le shoegaze (« In Undertow ») ou la pop saccharinée (« Hey »). Le propos demeure ainsi suffisamment varié, au fil de ces 33 minutes, pour ne pas cantonner le groupe à un seul registre étriqué. Comme Belle and Sebastian, The Pains of Being Pure at Heart ou bien Camera Obscura avant eux, les Canadiens franchissent ici un cap important. Avec ce brillant « Antisocialites », qui semble vouloir faire l’unanimité et augmenter encore leur popularité, ils s’installent parmi les groupes indie pop majeurs de la décennie.