En seulement quatre éditions, le Black Bass Festival a su trouver sa place dans le paysage girondin avec un axe simple mais difficile à perpétuer, celui d’une programmation rock, audacieuse, le tout dans un cadre qui gagne chaque année en qualité d’accueil.
Vendredi 1er septembre
Cette première soirée va connaître un coup d’envoi (pour les concerts, le programme ayant été entamé quelque temps avant) par Totorro. Le groupe rennais a déjà quelques kilomètres au compteur, avec de belles tournées pour célébrer leurs disques “Home Alone” et “Come to Mexico”. De Mexique il est au final peu question, mais la qualité de leur math/post-rock est au-dessus de tout soupçon : c’est carré, énergique, ça part dans une direction et repart aussitôt dans une autre sans discontinuer, sans trébucher non plus. La technique n’étouffe pas la prestation, et le potentiel du groupe semble encore largement inexploité.
Pas le temps de reprendre nos esprits après ces premières ruades, puisque le duo Ropoporose est chargé d’assurer le premier concert sur la seconde scène, à la structure gonflable très réussie. Romain (à la batterie) et Pauline (guitare et chant) assurent un set parfaitement huilé, surfant sur leurs deux albums (le dernier, “Kernel, Foreign Moons” n’a que quelques mois) et leur faculté à évoquer aussi bien Sonic Youth que Battles. Quelques titres pourraient presque sonner comme de mini-tubes indie-pop (“Horses” et “Empty-Headed” notamment) mais Ropoporose distribue trop de mélodies à tiroirs pour être facilement catégorisé : une belle démonstration du talent déjà solide de la formation.
La tête d’affiche de la soirée est à n’en pas douter Poni Hoax, et la formation menée par Nicolas Ker a fait le boulot avec beaucoup de brio. Le reste de la soirée fait presque du groupe la pause pop de la soirée, mais Poni Hoax n’a pas molli : nerveux mais aussi dansant, habité et avec sous le coude une poignée de tubes disséminée dans une setlist qui a permis d’entendre de beaux extraits de “A State on War” (le funky et irrésistible “Down on Serpent Street”) et “Tropical Suite” (“All the Girls” notamment). Au final, un concert réussi d’un bout à l’autre, parenthèse joliment clinquante au milieu des groupes plus bruyants du reste de la soirée.
Dans cette catégorie rentre ainsi Pogo Car Crash Control, qui sera notre temps de pause : on est définitivement trop vieux pour la fougue de ces jeunes furieux, qui provoquent – la promesse de leur nom est tenue – de terribles pogos. On assiste à cela de loin, et je suis pour ma part un peu bluffé par l’énorme énergie de la formation. Le rideau de la soirée va tomber pour moi avec le concert de Cheveu, en charge d’allumer la dernière mèche (pardon). Pas de quartier pour la formation, qui débite avec beaucoup d’aplomb son proto-punk un peu rigide, parfait pour dégourdir les jambes des derniers vaillants qui trouvent en David Lemoine un parfait porte-parole. Toujours singulier, Cheveu constitue une belle fin de soirée pour ma part, avant que l’équipe du festival prenne les commandes pour un DJ set terminal.
Samedi 2 septembre
Rebelote pour cette seconde soirée, au programme qui promettait d’être dense, avec en ligne de mire notamment la reformation de Calc. Après le premier DJ-set dévolu à l’association La Petite Populaire, c’était d’abord au tour de Julien Pras seul de monter sur scène. Comme à son habitude, le songwriter français a fait l’étalage de son talent, que l’on aura l’occasion de vérifier avec son prochain disque “Wintershed”, à paraître très prochainement. On se régale de ses nouveaux titres, toujours dans une interprétation dépouillée (sa voix caressante, une guitare follement élégante, et les choeurs d’Hélène Ferguson – qui joue sous le nom de Queen of the Meadow), et on retrouve avec un immense plaisir “The Great Beyond” ou “Sweetest Fall”. Julien Pras peut alors sereinement aller se préparer à revenir quelques heures plus tard avec Calc.
Il cède la place à un nouveau DJ-set, qui malgré sa qualité casse un peu la dynamique de la soirée, qui est relancée par le duo bordelais Blackbird Hill, groupe qui a forcément écouté Black Rebel Motorcycle Club ou les premiers Black Keys, sans pour l’instant en avoir capté la petite étincelle qui éveille un fort intérêt chez moi. En l’occurrence, ils font tout bien, mais…
Peu importe, car le moment le plus attendu du festival, à tout le moins pour les amateurs de pop qui arpentaient les salles de concerts au début des années 2000, arrive : le retour exceptionnel de Calc sur scène. Hugo Berrouet à la batterie, David Lespes à la basse, Mathieu Le Gall aux claviers, et Julien Pras au chant et à la guitare : la formule est connue, mais la magie opère toujours. Déjà, on sent l’absence d’opportunisme du groupe, qui prend un plaisir manifeste à se retrouver sur scène. Surtout, les chansons n’ont rien perdu de leur élégance, de leur finesse pop, et c’est un régal d’entendre à nouveau “Hide & Sick” ou “Avalon By Night”, pour ne pas dérouler la setlist en entier, qui a revisité la belle discographie de la formation. Allez, les gars de Calc, vous ne pouvez en rester là, d’autres fans de pop vous attendent !
La suite est un nouveau basculement, avec le concours de air guitar (et le triomphe du Poulidor des trois premières éditions), et l’arrivée sur scène de Truckfighters. Le groupe m’était inconnu avant cette date, je l’avoue sans honte, mais leur réputation n’est pas usurpée. C’est stoner, ou plus prosaïquement un rock’n’roll joué fort, joué fou aussi (le guitariste Django est bondissant comme un diable de Tasmanie) et force est de constater qu’ils savent s’y prendre pour faire remuer un public.
La fatigue jouant, ce sera mon dernier concert, à regret car les jeunes de Lysistrata – à l’orée de la sortie de leur premier album chez Vicious Circle – me faisaient de l’oeil, avant le final très metal du groupe Hark. Ce n’est que partie remise, tout comme la prochaine édition du Black Bass Festival : rendez-vous est pris pour septembre 2018.