Loading...
Disques

All If – Absolute Poetry LP

All If - Absolutely PoetryLorgnant clairement du côté d’une pop britannique n’ayant que faire des périodes, ALL IF pioche dans « Absolute Poetry » tant du côté du glam rock que du psychédélisme avec dix chansons baroques, ouvertes et enthousiasmantes.

Je ne sais pas si vous l’avez déjà remarqué, mais nombre de musiciens sont d’une inculture crasse dans le domaine qui les occupe, et aussi étrange que cela puisse vous paraître, c’est presque un avantage pour eux. Ils gardent ainsi un certain parfum d’inédit. Combien de disques savants avec des références bien trop respectueuses, pour une poignée d’albums spontanés mais d’une fraîcheur réelle ?

On sent au contraire les trois Parisiens d’All If fins connaisseurs de la chose pop. Ils connaissent sur le bout des doigts leur XTC, leurs Kinks, leurs Beatles, mais ils apportent bien autre chose à ces icônes écrasantes. Sans doute que ce petit plus, c’est leur identité française. On oserait le jeu de mots, on parlerait alors de frog pop les concernant. Bien sûr, on retrouvera chez eux ce que l’on aime le plus dans la pop de la perfide Albion, du Bowie glam des early 70’s en passant par le meilleur de Suede.

En ouverture, « Off Duty » peut se vivre comme une collision entre les Beach Boys, les High Llamas ou encore les Posies quand « Green Green Gardens » évoquera un Randy Newman acoquiné à Paul McCartney. All If se présente là comme une espèce de chaînon manquant entre le projet d’Emmanuel Tellier, 49 Swimming Pools, celui de Manuel Ferrer, A Singer Must Die dont on attend avec impatience un troisième disque après le superbe « Venus Parade », ou encore Da Capo qui a sorti un sublime « Oh My Lady » plus tôt cette année.

Cherchant parfois du côté de la West Coast comme sur « All Back To My House », le groupe tente plusieurs pistes pour ne pas s’enfermer dans une monochromie réductrice, mélange des gimmicks tant au niveau des orchestrations, des arrangements que des voix. Piochant ici dans la soul d’un Sam Cooke, là dans le funk de Chic, ces trois-là s’emploient avec pas mal de talent et de ruse à brouiller les pistes.

Loin d’une pop un peu sclérosée qui se regarde le nombril, parfois les chaussures, All If cherche la lumière dans des structures souvent alambiquées, et pour le meilleur. On pensera à un Michael Head plus solaire ou encore à un Love plus anglais. Marc Bolan en tête, n’est jamais loin, comme dans « Body Language (Supernatural) », mais ce qui semble évident à l’écoute, et la minuscule et délicieuse ritournelle au clavecin « Queen Of Spain » en est un bel exemple, ce qui prime chez eux, c’est le plaisir du jeu. On retrouve cette chaleur positive que l’on aime chez Stuart Moxham avec ou sans Young Marble Giants, avec ou sans Louis Philippe. 

Pour autant, attention à ne pas se méprendre sur All If, nous n’avons pas affaire à des rêveurs béats, loin de là. Il suffit de s’attarder sur des textes parfois en contraste avec le décor instrumental. Prenez « Worship Me, Despise Me » tout en power pop, où l’on devine une angoisse sourde mais bien présente, ou encore « What’s Beyond the Curtain? », ce cerf-volant si rouge qui ne veut pas quitter le sol, cette mélancolie non-dite, Michel Legrand dans le lointain qui marche d’un pas tranquille sur le sable d’une plage déserte avec Brett Anderson.

« Four-Headed Monster » ou « Ever Your Friend » exploitent les formats de la pop, jeu de guitares à la Johnny Marr pour l’un, recentrage autour d’un piano pour l’autre. Dans les deux formules, une véritable capacité à trouver le petit plus, le petit contrepoint qui donne de la perspective, de l’ampleur à des structures à la première impression simples mais qui ne révèleront leurs vices cachés qu’à celui qui leur donnera leur patience.

Avec « Absolute Poetry », All If rejoint ce club restreint des artistes français qui continuent de travailler le vocabulaire d’une pop anglo-saxonne pour en faire une grammaire nouvelle et apatride, offrant dix chansons passionnantes et exaltantes à nos pauvres oreilles fatiguées.

Acheter le disque sur Bandcamp

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *