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Disques

Imagho – Soleil De Tokyo

Imagho - Soleil de TokyoJean-Louis Prades et son projet aventureux Imagho à la charnière du Jazz, de la musique concrète et du Folk invite à une dérive toujours accueillante. Il y joint la voix dans ce « Soleil de Tokyo » énigmatique et tendre.

Nous sommes quelques chroniqueurs ici et là sur cette blogosphère à fonctionner à un enthousiasme sans cesse renouvelé, cette propension à aimer, à s’éprendre pour la musique des uns et des autres. Certes, cela fait grogner les grincheux ou les cyniques qui ne voient sans doute en tout cela qu’un manque d’avis critique. Raccourci que cette allégation. Quel intérêt à se répandre sur les quelques disques mal ficelés que nous recevons parfois, les projets sans saveur ou les pâles copies d’un tel ou tel autre.

Avec le lyonnais Jean-Louis Prades et son projet Imagho, c’est une longue histoire, une histoire d’empathie avec ses structures savantes et pourtant lumineuses et ouvertes. On ne comprendra jamais le manque de reconnaissance de certains artistes. La faute peut-être à une créativité qui intimide les frileux, la faute à un univers qui doit se gagner, qui ne se laisse pas prendre facilement. On ne chasse pas la musique comme l’on court après un papillon. Découvrir un artiste, c’est laisser une rencontre se faire malgrè nous et en nous.

L’immense talent de Jean-Louis Prades, c’est de ne jamais perdre son compagnon d’écoute malgrè des structures hautement savantes et une musique virtuose mais toujours intensément émotionnelle. On ne sait jamais trop où le situer entre slowcore, jazz, folk de grands espaces et musique concrète … Vous pouvez ici réunir Low, Logh et bien d’autres dont on sent ça et là les présences. 

Imagho, c’est une musique sphérique, comme en dedans, comme cloîtrée. Ramassée sur elle-même et ce n’est pas la voix murmurante du lyonnais qui éloignera cette impression diffuse de confidence, d’imperceptible bruissement. Pourtant et presque paradoxalement, Jean-Louis Prades semble vouloir s’affranchir de limites, un peu comme si le cinémascope de nos films d’enfance permettait le rendu d’un sentiment profond, intense et universel.

Une écoute hâtive évoquera à coup sûr Rodolphe Burger ou encore un Michel Cloup assagi et moins pugnace.

Mais il faut rarement se fier aux premières impressions. A mesure que « Soleil de Tokyo » se devine, on découvre bien autre chose. De l’inaugural « Jamais » tout en atmosphère et en climat incertain à « Déjà Vu » slowcore en mode Logh, Jean-Louis Prades tente, ose et affirme avec une modestie réelle un univers qui n’est qu’à lui.

On n’est jamais très loin du rapport au silence comme la conclusion tout en bruits blancs de « Secrète » comme un faire-valoir à la beauté des lignes de guitare. Tout ici est une question de contraste, une offre qui se partage entre tentation d’aller circuler dans la marge et de lever les yeux vers le ciel. 

Entre apaisement sur un « Exemplaires » vagabond et un glacial « Chaque saison ». C’est un disque brumeux, quelque chose comme un voyage à travers un minuscule nuage de poussière. « L’incendie » renvoit sans aucun doute involontairement au désespoir froid de « Manchester By The Sea », la lente désagrégation de ce que fut la vie avant, le souvenir gracile de cet autre qui n’est plus nous.

La musique d’Imagho évoque également celle d’autres amateurs de fusion comme Gastr Del Sol ou encore Tortoise comme cette esquisse de « La Loire ». On  n’est d’ailleurs jamais bien loin d’une image ou d’une peinture sonore à l’image d’un Luc Ferrari ou d’un Yann Paranthoen. D’ailleurs on croit reconnaître une forme de reconnaissance ou de filiation avec Knud Victor dans le final « Paradis Perdu » à l’évidente allusion à Christophe.

Autrefois, la musique d’Imagho se peignait d’un mystère énigmatique tant dans ses formules changeantes que dans les titres qu’il donnait à ses vignettes musicales. Les textes à tiroir, ici, contribuent encore de cette étrangeté. A mi-chemin entre un quotidien trivial et un ailleurs flou, Jean-Louis Prades s’évertue à dilater le sens du mot à travers des circonvolutions sur « Perdue ». On connaît d’ailleurs la passion du monsieur pour l’auteur américain Richard Brautigan, ce même poète qui disait ces mots qui conviennent si bien à la musique d’Imagho :

"Les choses s’incurvent lentement hors de vue jusqu’à disparaître tout à fait. Après ne reste plus que la courbe."

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