Qu’il est bon de se tromper. Contrairement à ce que j’ai pu écrire dans ma chronique de « All Eternal Decks« , oublions les vieilleries et la nostalgie du quatre pistes pourri, les Mountain Goats ne mollissent pas d’un pouce et viennent d’enregistrer ni plus ni moins, leur meilleur album. Bon disons quand même, le meilleur depuis la période « propre », 4AD e tutti quanti, pour ne pas blesser les puristes de la basse fidélité.
Un rapide coup d’oeil sur la liste des titres (voir plus bas) vous le confirmera.
« Goths« des Mountain Goats (brillant, non?) nous conte la déprime d’un guitariste gothique, vieillissant sur les bords, vernis écaillé aux ongles, portant de plus en plus difficilement le teint blafard sur la côte ouest et plus très en phase avec une époque célébrant Miley Cyrus et Justin Bieber (voire, pire peut-être, Trent Reznor).
« No one will hear the 12 bar blues. From a guy in platform shoes« , chante Darnielle sur « Rage of Travers« . Le gothique a le blues et John Darnielle lui offre un écrin musical parfait, à ne pas confondre avec un cercueil moelleux. La vraie bonne idée du disque est d’avoir refusé toute guitare (hormis une basse dans tous ses états, nous y reviendrons) et d’avoir mis le paquet sur les claviers et surtout les instruments à vents (bois, nous dit-on) et une production impeccable et riche à apprécier au casque.
Foin de folk pour le goth donc, ni même de néo goth lo-fi à la sauce Darnielle. En revanche, on penche vers ce que les années 80 ont offert de meilleur : Roxy Music, Echo & The Bunnymen, Prefab Sprout, Talk Talk, New Order. Oui, oui, sans blague (et pourtant l’album en comporte beaucoup, sans ironie aucune d’ailleurs, on n’est pas là pour blesser les petits corbeaux) par exemple, l’irruption de la basse Hookienne dans « Shelved« est vraiment à tomber, mort de rire dans la batcave.
Avec simplicité, tranquillité et nappes de claviers sur vapeurs de vents doux, Darnielle se permet de rivaliser, par deux fois au moins, (sur « The Grey King and the Silver Flame Attunement« et « Stench of Unburied« ) avec Paddy Mc Aloon et range « Crimson/Red« aux rangs des vieilleries dépassées.
Le rock n’est pas en reste, et un vieux relent d’indie rock amerloque traîne toujours ça et là, rendant l’affaire extrêmement attachante : « Rain in Soho« , rythmique solide et chœurs de corbacs d’outre-tombe, ou le tubesque « We do It Different on the West Coast« , cartographie américaine de spots possibles gothico-compatibles, sur une basse élastique imparable et des percu implacables. Profitons-en pour saluer le travail de Peter Hughes à la basse, à la fête visiblement sur cet album. La basse a toujours été importante, du moins pour nous, dans The Mountain Goats et dans cet album guignant sur les 80ies, elle a, forcément, un des meilleurs rôles.
Quant au premier rôle, le protagoniste de l’album, il devrait peut-être rencontrer les Jeff et Cyrus du « Best Ever Death Metal Band in Denton« , ils auraient beaucoup de chose à se dire. Comme pour les sus-cités, Darnielle rigole mais avec tendresse et bienveillance. À chacun son guetto, pourrait-on dire, qu’il soit gothique ou indie et le vieillissement est le lot de tous. Alors, prenons « Abandoned Flesh« et « For The Portuguese Goth Bands« pour ce qu’elles sont, avec sérieux mais pas trop. Et laissons notre héros noir corbeau, au rimmel coulant sous les poches oculaires avec sa rage intacte et son désir de jouer comme dans « Shelved« (« Ride’s over. I know. But I’m not ready to go.« ) sur la basse la plus glorieuse et accrocheuse des années 80, annonçant un renouveau possible, du moins un nouvel ordre des choses. Et c’est bien plus revigorant que tout ce qui marche en ce moment.