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Cigarettes After Sex : “Je n’attends qu’une chose, la révolution sexuelle”

Cigarettes After Sex a beau être le groupe dont tout le monde parle depuis le succès phénoménal du single « Affection » en 2015, son leader et songwriter Greg Gonzalez n’est pas du genre à s’emballer. Il lui a fallu 9 ans pour composer le premier album homonyme du groupe qui sort aujourd’hui. Nous l’avons rencontré pour mieux comprendre cette longue ascension. Il nous parle sans retenue de cigarettes fumées après avoir fait l’amour, des changements de personnel au sein du groupe pour arriver à ses objectifs, de son amour des Cocteau Twins et de son envie de créer une aura autour de Cigarette After Sex comparable à celle de The Smiths.

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Pourrais-tu revenir sur la naissance du projet Cigarettes After Sex ?

Greg Gonzalez : Tout est venu de nouvelles compositions sur lesquelles je travaillais en 2008. J’ai trouvé que six d’entre elles comportaient quelque chose d’unique. Elles avaient plusieurs points communs. A tel point que qu’elles nécessitaient un projet à part des mes activités de l’époque. Au départ Cigarettes After Sex n’était pas un groupe. J’étais seul derrière les manettes.

Avais-tu fais partie d’autre groupes auparavant ?

Je joue dans des groupes depuis l’âge de 10 ans. Aucun n’a réellement remporté de succès. Nous nous produisions surtout dans la ville où j’habitais.

Tu abordes la batterie sous un angle jazzy. Cela crée un contraste intéressant avec les guitares atmosphériques et ta voix quasi androgyne. Tu as dû expérimenter par le passé avec l’écriture de différents styles musicaux ?

Je suis passé par tous les genres musicaux possibles. Le free jazz, la new wave, la power pop. En passionné de musique, je voulais tout comprendre, tout analyser. Il m’a fallu des années avant de me sentir suffisamment confortable et trouver ma propre identité musicale. Celle que tu entends aujourd’hui. Malgré mes expériences passées, je m’efforce de créer un son unifié. Il y a du Miles Davis, du Mazzy Star, du Springsteen, du Cocteau Twins ou encore du Brian Eno dans ma musique. Mais tu ne le remarqueras pas forcément.

Pourtant, si je fais abstraction de ta voix, le premier nom de groupe qui me vient en tête est les Cocteau Twins.

Probablement car c’est un de mes groupes préférés. Ils utilisent l’espace comme personne. Les mélodies vocales de Liz Fraser sont vraiment étranges. « Heaven Or Las Vegas » est un chef d’œuvre indépassable.

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Tu cites souvent The Smiths comme une référence importante pour toi. A l’opposé des Cocteau Twins, ce n’est pas un groupe qui vient à l’esprit quand on écoute ton album. Qu’est ce qui te séduit chez eux ?

Je suis plus intrigué par leur influence spirituelle que par leur musique. Si tu aimes les Smiths, c’est comme faire partie d’un club ou d’un culte. Ils avaient une attitude et un charisme qu’aucun autre groupe n’a jamais eus depuis. J’essaie de créer ce genre de chose avec Cigarettes After Sex. Ils m’ont aussi inspiré pour la cohérence des pochettes de disques, avec des portraits d’artistes connus ou bien des photos prises par des photographes renommés.

Justement, les pochettes du groupe sont sublimes, toutes en noir et blanc. Certaines utilisent des clichés de Man Ray. Quels sont pour toi les artistes qui ont transcendé l’utilisation du noir et blanc, aussi bien au cinéma que dans la photographie ?

Man Ray justement. Nous avons utilisé deux de ses photos pour nos pochettes. J’adore aussi Masao Yamamoto. C’est un photographe audacieux qui prend des photos saisissantes. Elles semblent sorties d’un rêve. Nous sommes en négociation avec lui pour utiliser son travail pour un prochain single. Je trouve en général que le noir et blanc a plus à offrir que la couleur. Il transcende le sujet du photographe et dégage plus d’émotions. J’y trouve un côté romantique. C’est peut être mon côté nostalgique de l’âge d’or d’Hollywood qui me fait penser ça. Sans doute aussi mon envie de fuir la réalité qui est toujours en couleur.

Cinq années se sont écoulées entre la sortie de ton premier single et l’album qui sort aujourd’hui. Avais-tu peur de franchir le cap du premier album, ou bien es-tu un perfectionniste ?

Les deux. Tu n’imagines pas le nombre de sessions en studio avec le groupe que j’ai mises à la poubelle avant la sortie de notre premier EP, “I.”, en 2012. A sa sortie je me suis dit qu’il serait impossible de produire quelque chose d’aussi bon dans le futur. J’ai traversé des périodes de doutes, de remise en cause. Sans compter les problèmes personnels. J’ai préféré prendre mon temps pour présenter un résultat dont j’étais fier. Comme par le passé, j’ai enchaîné des sessions studio qui ne me satisfaisaient pas. Jusqu’en 2015, l’année où tout a commencé à se mettre enfin en place. C’était un soulagement.

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Cigarettes After Sex est clairement ton projet. Est-ce pour cette raison que le groupe a connu plusieurs mouvements de personnel avec les départs de trois membres alors que vous n’aviez toujours pas sorti le moindre album ?

Oui, c’était nécessaire car le son du groupe devait évoluer. J’ai enfin trouvé le groupe parfait. Notre alchimie rends les morceaux encore meilleurs que ce que j’ai en tête initialement.

Il faut des compositions solides pour tenir l’auditeur en haleine sur un album aussi cinématique. T’es tu fixé une limite sur le nombre de titres et la durée de l’album pour garder l’auditeur captivé du début à la fin ?

J’ai toujours considéré qu’une chanson isolée est une forme d’expression plus puissante qu’un album. Un album est une collection d’instants, de courts métrages. Je garde pourtant en tête des exemples d’albums réussis comme le « Nebraska » de Springsteen pour me fixer des objectifs. C’est un disque cohérent qui ne dure pas trop longtemps. Je me suis fixé un objectif de dix chansons et une durée de 45 minutes maximum. Qui a envie d’écouter 19 chansons d’affilée de nos jours ? Sur la durée je suis prêt à faire des exceptions pour quelques rares artistes, dont Steve Reich.

Tu as connu un succès énorme du jour au lendemain avec le titre “Affection”. Comment réagirais-tu si ce premier album est un échec commercial ?

Cela ne posera pas un gros problème. Tu n’as pas idée de l’affection et de l’amour que j’ai reçu à travers les propos de certains fans. C’est au delà de ce que tu peux imaginer. J’ai réussi à les toucher avec ma musique. Si tout s’arrête demain je serai triste, mais reconnaissant rien que pour ces instants incroyables.

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Tes textes parlent de toi, de tes sentiments. As-tu besoin de matérialiser clairement une situation pour composer ?

Ils ne parlent pas toujours de moi. Sur “K.” ou “Sunsetz”, j’évoque quelqu’un d’autre. Mais ce sont des faits réels. En ce sens, j’ai besoin de matérialiser quelque chose pour composer. La seule exception est peut-être “Opera House”, un titre qui parle de quelqu’un qui construit un Opéra en Amazonie. Il ne m’était pas évident de visualiser clairement la situation (rire).

Tu n’hésites pas à aborder le sexe dans tes paroles. Tu as même avoué regarder du soft porn quand tu étais ado. Avais-tu envie d’apporter une vision neuve du sexe à travers tes textes ?

Clairement. Le sexe, l’amour et la romance sont intimement liés. Ils occupent une grande partie de nos vies. J’ai voulu aborder le sujet frontalement et franchement. Aux Etats-Unis, les gens sont mal à l’aise quand on parle de sexe. Pourtant je suis américain et je n’attends qu’une chose : une révolution sexuelle (rire). D’ailleurs, le nom du groupe n’est pas sorti de nulle part.

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