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Disques

Timber Timbre – Sincerely, Future Pollution

Timber Timbre - Sincerely, Future Pollution

Avec “Hot Dreams”, il y a trois ans, Timber Timbre atteignait un nouveau stade de son évolution. Ce qui n’était au départ qu’un projet solo du talentueux Taylor Kirk s’affirmait comme un véritable groupe, faisant consensus sur disque comme sur scène, attirant un public de plus en plus fourni. Il aurait alors été tentant de jouer la sécurité et de reproduire la même formule, mais les Canadiens ont préféré sortir un peu de leur zone de confort, enregistrant “Sincerely, Future Pollution” (quel titre !) en région parisienne, dans un studio bourré de synthés vintage. D’où un disque sans doute plus déterminé que les précédents par ses conditions de fabrication, et un nouveau son qui multiplie les clins d’œil assumés aux années 70 et (surtout) 80, joue sur le chaud-froid et l’illusion rétrofuturiste, parfois pas très loin de Air via Kraftwerk (“Bleu nuit”).

Timber Timbre s’éloigne de ses racines nord-américaines et évoque par moments une certaine modernité européenne dont on peut supposer qu’elle a toujours fasciné Taylor Kirk : s’il avait choisi il y a cinq ou six ans de projeter “La Jetée” de Chris Marker en fond de scène, on lui suggérerait bien “Radio on” de Christopher Petit ou “L’Etat des choses” de Wim Wenders pour ses prochains concerts. Mais ce nouvel album n’a rien d’une œuvre tournée vers le passé, même proche : il regarde au contraire autour de lui, prend acte d’un nouveau désordre mondial à sa manière oblique, entre calme trompeur (“Skin Tone”) et machinisme angoissant (le morceau titre). L’écoute de “Sincerely…” nous donne parfois l’impression d’errer la nuit dans les rues d’une métropole inhumaine à la “Blade Runner”, voire dans ses égouts (“Sewer Blues”). « Western questions, desperate elections, campaign Halloween », susurre notre guide, qui nous fait visiter ces abysses avec un certain détachement.

S’il frôle l’exercice de style sur le white funk roide de “Grifting” – comme un mix lyophilisé du “Fashion” de David Bowie et du “Superstition” de Stevie Wonder –, Kirk atteint de nouveaux sommets sur les ballades (“Western Questions”, “Floating Cathedral”), chantées d’une voix débarrassée de tout maniérisme. Mais gare aux faux-semblants : les claviers pour autoradio Pioneer et la ligne de basse tout confort de l’ouverture “Velvet Gloves & Spit”, qui évoqueraient presque Double ou Cock Robin, semblent minés par des effets de pleurage, comme si le réel était devenu mouvant. Comme si, littéralement, quelque chose ne tournait pas rond. Avec ce nouvel album en forme de cauchemar ouaté, Timber Timbre signe son œuvre la plus fascinante, la plus obsédante. On n’a pas fini de s’y perdre, avec délices.

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