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Disques

Artùs – Ors

Artus - Ors

Le moins que l’on puisse dire d’Artus, c’est qu’il est difficile de pouvoir ranger le travail du groupe. Chanter en Occitan mais sans pour autant à tout prix vouloir marquer une identité régionale, parler de l’ours comme animal déchu et aller puiser dans les énergies volatiles et lourdes des Swans ou de Neurosis, voilà un vaste programme. 

Parler de la musique d’un autre, c’est essayer de donner envie à un tiers de découvrir la musique du premier. C’est parfois aussi facilement et hâtivement mettre des étiquettes, poser des références plus ou moins pertinentes sur le travail de ce monsieur qui n’a rien demandé et qui parfois ne se reconnaît en rien dans les noms cités. Car bien sûr, tout cela relève de la subjectivité pure et c’est tant mieux. C’est ce qui provoque tout le plaisir. 

Autant vous le dire de suite, Artùs résiste à tout exercice, toute tentative d’étiquetage ou d’indexation et c’est très bien ainsi. Originaire de Pau, la langue du groupe dans ses compositions, c’est l’Occitan. Non, non, ne reculez pas. Ne voyez pas ici une posture régionaliste de retrait, un folklore de Fest Noz comme on dit chez les Celtes. Le lexique d’Artùs est bien plus large et fourni que cela et c’est bien justement ce qui rend l’exercice de la critique délicat. Si l’on rajoute à cela la volonté du groupe de vouloir parler de l’ours pour ce qu’il comporte de similaire à nous, pour ce cousinage en sauvagerie, cela brouille les cartes.

On ne pourrait être exhaustif sans remarquer le caractère aventurier pour ne pas dire versatile des compositions du groupe toutes en tension et en rupture. « Desveih » par exemple qui rappellera à beaucoup les murs du son des Swans quand « Chasse-Party » hésite entre chants de traverse et effets noise.

Au fur et à mesure que l’on découvre « Ors », on prend conscience que chacun des cinq titres est le mouvement d’un ensemble, d’une volonté orchestrale. On quitte la grotte après l’hiver trop long pour aller se confronter au monde du dehors. On éveille en soi les besoins premiers. Quand on lit les pages du livret qui accompagne « Ors », on y découvre cette envie de réhabiliter l’animal déchu à travers une nouvelle musicalité pour aussi se retrouver soi-même. Pour ceux nombreux qui n’entendraient rien à l’occitan, il est à noter que chaque chanson est traduite en français, ce qui évite aussi le côté couleur locale qui exclut les néophytes.

On peut d’ailleurs lire ces mots de Michel Pastoureau,  » En tuant l’ours, son parent, son semblable, son premier dieu, l’homme a depuis longtemps tué sa propre mémoire et s’est plus ou moins symboliquement tué lui-même« . On aurait peut-être quelques petites choses à apprendre de l’animal non-civilisé comme le raconte « La Hola », ce souffle de liberté, cette porte ouverte battant au vent.

A l’écoute du disque, on se plait à imaginer ce qui pourrait naître de la rencontre d’Artùs avec Marion Cousin, ancienne June et Jim avec ou sans Borja Flames. Il y a dans la musique d’Artùs ce même climat libertaire qui se fout des étiquettes, des frontières et des genres.  Un souffle noise, une bestialité qui ne se dompte pas dans les combats et au final un disque certainement inclassable mais aussi parfaitement passionnant.

 

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