Dans les années 80, les artistes australiens partaient souvent s’installer à Londres dans l’espoir de faire carrière. Cette époque est révolue : aujourd’hui, les musiciens des antipodes se font entendre sans avoir à s’exiler. Le dernier exemple en date au rayon singer-songwriter – terme ici unisexe – a pour nom Julia Jacklin, originaire des Blue Mountains (culminant à un peu plus de 1 100 mètres, pas tout à fait l’Himalaya), à l’ouest de Sydney. Un nom qu’on retrouve souvent accolé à ceux des Néo-Zélandais Marlon Williams et Aldous Harding, dont les albums avaient enchanté l’année 2015. Les trois partagent en effet le même producteur, Ben Edwards (un autre Néo-Zélandais), dont la cote ne cesse de monter. Pas vraiment un grand sorcier des potards à la signature identifiable d’emblée, plutôt un amoureux du travail bien fait et des sonorités naturellement chaleureuses.
L’homme idéal pour tirer le meilleur de chansons composées à la guitare sèche, et qu’il était inutile d’encombrer de trop de parures. Entre americana (sa voix à la Emmylou Harris semble la prédestiner à la country sobre) et indie rock (rappelant, en moins brut, une autre jeune Australienne, la très douée Courtney Barnett, voire la “marraine” Liz Phair), Julia Jacklin a opté pour sa simplicité sur son premier album, “Don’t Let the Kids Win”. Et ça lui réussit.
Le titre d’une des chansons, “Coming of Age”, aurait parfaitement pu servir pour l’ensemble, même si ses guitares saturées ne sont pas vraiment représentatives de la tonalité générale. C’est en tout cas bien de cela qu’il s’agit : à 25 ans, Julia chante le difficile passage à l’âge adulte, la nostalgie de l’enfance, la mélancolie du temps qui passe, les bilans parfois douloureux. Thématiques également suggérées par la pochette (photo qui pourrait être prise dans le salon ou le sous-sol de la maison familiale) et les clips, où cette jolie blonde qui respire la santé semble vouloir tenir son image à distance.
Rien de foncièrement original ou inédit, sans doute, mais sa sincérité, sa présence vocale et sa finesse d’écriture impressionnent dès la première écoute. Les meilleurs morceaux (si tous sont bons, le troublant “Pool Party”, conclu par l’un des plus beaux solos de guitare de l’année, les très dépouillés “Sweet Step” et “Elizabeth” et les subtilement fifities “Leadlight” et “Small Talk” se distinguent du lot) suggèrent une digne héritière de Sharon Van Etten ou Angel Olsen. Sa personnalité n’est peut-être pas encore aussi affirmée, mais il n’est pas impossible qu’on tienne ici l’une des grandes de demain. Autant dire qu’on est très impatient d’entendre la suite.
Julia Jacklin, Café de la danse, Paris, 13 novembre 2022 – POPnews
[…] Une demi-heure plus tard, la température déjà élevée monte encore de quelques degrés quand Julia Jacklin, en robe à fleurs et soquettes blanches, arrive sur scène au son de… “My Heart Will Go On” de Céline Dion. Sincère admiration pour la Castafiore québécoise, souvenir d’un crush ado sur Leo DiCaprio dans “Titanic” ? On se perd en conjectures. Comme pour assurer la transition avec Erin Rae, et aussi pour commencer par le début, Julia joue seule “Don’t Let the Kids Win”, chanson éponyme de son premier album. […]