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Disques

L.A. Salami – Dancing With Bad Grammar

 L.A. Salami - Dancing With Bad GrammarPremier (long) album d’un hobo céleste anglais : du folk cousu d’or.

On a découvert L.A. Salami un peu par hasard, en “deuxième première partie” d’Okkervil River à Paris, en novembre dernier. On n’attendait pas forcément grand-chose de cet Anglais de 29 ans au look mi-hipster, mi-rasta, et au nom trop improbable pour être un pseudo – il s’appelle bien Lookman Adekunle Salami. Autant dire qu’après sa brève mais marquante performance en solo acoustique, on n’avait qu’une envie : en savoir plus.

Côté biographie, une enfance vécue entre le foyer maternel et une famille d’accueil, et très vite la bougeotte, un style de vie de nomade urbain qui aiguise son sens de l’observation et inspire ses textes. Un coup de cœur dans l’enfance pour Bob Dylan qui l’amène à s’intéresser au blues et au folk ; une première guitare pour ses 21 ans, ce qui l’incite à composer enfin ses propres chansons ; les premières parties d’une tournée de Lianne La Havas en 2012, qui lui vaut d’être repéré par Burberry Acoustic, la structure “jeunes talents” de la marque de vêtements – il va falloir s’habituer à ce genre de partenariats.

Côté musique, un album sorti récemment, “Dancing with Bad Grammar”, succédant à une longue série de singles et EP. Menu copieux, avec quinze chansons au compteur (bon, disons treize : “Papa Stokely” est un dialogue sur un fond sonore, et le dernier morceau, une espèce d’expérimentation psyché). Plusieurs dépassent les cinq minutes (casées à la fin, comme pour tester l’endurance de l’auditeur), le disque durant plus d’une heure vingt. Si L.A. Salami a un peu chargé sa carte de visite, la production, elle, reste sobre, dénuée d’effets modernes sans être passéiste pour autant : la jeune homme vise à l’évidence l’atemporel, veut avant tout qu’on entende sa voix et les mots qu’elle porte. On pense un peu aux éblouissants débuts de Ben Harper ou, plus près de nous, à Benjamin Clementine (le lyrisme trop appuyé en moins), voire à Conor O’Brien alias Villagers ou à Peter Doherty dans ses bons jours en solo.

Les nombreux morceaux purement folk, où le chanteur s’accompagne magnifiquement d’une simple guitare acoustique, renvoient carrément à l’âge d’or du genre : Dylan bien sûr (surtout quand un harmonica s’invite), Jackson C. Frank, Dave Van Ronck… Les textes, eux, se conjuguent au présent, déroulant un storytelling qu’on imagine en grande partie autobiographique. Tranches de survie londonienne (“I Wear This Because Life Is War !”, “Day to Day”…), charges contres l’époque (“The City Nowadays” : « fast food films, fast food music, fast food politics, fast food ideology… »), à ranger entre Mike Skinner (The Streets), des Sleaford Mods un peu plus polis et le “22 Grand Job” des Rakes. Ailleurs, L.A. Salami explore une veine plus poétique, toujours ombrée d’un certain désenchantement (“My Thoughts, They Too Will Tire”).

L.A. Salami est un protest singer pour nos temps de crise permanente, revenu des grandes utopies et des lendemains qui chantent. Sa musique ne changera pas le monde. Elle prouve pourtant à chaque seconde que son auteur croit encore à la beauté, et c’est déjà énorme

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