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Disques

John Trap – Some People Drown

John Trap - Some People Drown

Le Finistérien John Trap alias Thomas Lucas revient avec « Some People Drown ». On y retrouve avec plaisir le même univers touffu et attachant avec ce détail de nouveauté, l’arrivée du français dans la musique du Morlaisien.

On a en connu des artistes qui jusqu’à présent pour nombre de bonnes raisons chantaient dans la langue de David Bowie et qui pris par une envie de maturité s’essayaient à la langue française. Ils gagnent souvent en clarté de compréhension ce qu’ils peuvent avoir d’original. Ce passage dilue souvent l’identité de celui qui nous passionnait.

Récemment, les vraies réussites de métamorphoses, on a peu en trouver un bel exemple avec l' »Atalaye » de Catherine Watine. Il faudra également compter désormais avec « Some People Drown » de John Trap. Pourtant, ce n’était pas gagné tant on craignait de voir la folie juvénile et l’étrangeté de ses compositions s’estomper face à cette frontailité qu’induit ce changement de langue.

Resituons un peu John Trap dans notre géographie musicale. John Trap, c’est d’abord le projet de Thomas Lucas, musicien-vidéaste et ingénieur du son. Il balade ses obsessions dans sa musique, ses images et dans les pierres sur lesquelles il peint des personnages étranges. La musique de John Trap c’est un franc telescopage entre des mondes hantés à la Tim Burton ou biberonnés aux séries Z et autre Star Wars, mais aussi des territoires geek, les jeux vidéo. Malaxez le tout avec un sens de la dérive et vous obtenez les structures alambiquées du monsieur.

Joignez-y la présence d’Arnaud Le Gouëfflec et de Jacques Creignou de Delgado Jones et de cette addition, vous obtenez une pop hors-norme à mi chemin entre la pâte à modeler et des aspirations de régression.

On connaissait John Trap jusqu’à présent en anglais, on se rappelle encore de « Some People Swim », disque habité par le deuil et l’introspection. Loin d’appauvrir son monde, le français et la manière nouvelle de chanter de Thomas Lucas apporte un élement addictif, cette voix presque précieuse un peu à la manière d’un Mathieu Boogaerts.

Du tubesque « Au temps de l’Ancien Temps » à « La pluie » et ses climats dérangès à la Moondog, les filles qui se baignent au marécage. C’est un peu comme si un Jacques Brel désincarné cotoyait les ambiances de « The Witch ». Il glisse dans le R’n’B vicieux de « Sale Petit Souvenir » une once d’expérimentation, quelque chose dans le fond, dans l’ombre.

Comme  souvent chez John Trap, c’est dans les miniatures qu’il se révèle, qu’il est le plus personnel dans la plus petite anecdote comme dans  » My Own Child » en comptine folk  ou dans le presque rien qu’est « Bye Bye Dog ». On parle souvent de mémoire et de perte de la raison. Les personnages de John Trap sont des êtres hors-cadre comme « Aziliz » dans son asile en Asie. Thomas Lucas a peu d’intérêt pour la réalité, son monde à lui est habité de squelettes et des ces pierres animées.

Il a toujours ce goût de la théâtralité, ce sens des jeux dans l’espace, cette histoire que l’on raconte avec cet humour qui ne s’interdit pas des larmes. On a du mal à savoir précisément ce que l’on ressent à l’écoute de ces créatures aquatiques dans « Flottons ensemble ». Thomas Lucas manie avec un tel soin un savoir de la dramatisation à travers ces confrontations entre dix genres musicaux au sein d’un même morceau.  On trouvera du Folk, du Post-Rock, de l’électronica ou des mélodies déviantes comme peuvent en proposer Verone ou Facteurs Chevaux comme dans ce sabbat de « Sorcière ».

Sur « Neuf », on reconnaît bien là la patte d’Arnaud Le Gouëfflec et sa nonchalance bonhomme abimée par les déflagrations sonores extraites de jeux vidéos. On espère voir les deux reproduire un jour une collaboration totale sur la durée d’un album. Certains d’entre vous se rappelleront de ‘Soleil Serpent », leur disque de 2012. D’ailleurs des titres comme « Puits de lumière » ou « The World Is Ending » semblent sortir de ces sessions-là.

« Too Young To Understand » vous donnera paradoxalement envie de réécouter vos disques de Can et de Spike Jones 

On rira beaucoup à l’écoute de « Making Love In The Woods » et les produits non-dégradables. Pour comprendre de quoi je vous parle, je vous renvoie à l’écoute de ce disque.

Un disque ni régressif, ni centré sur lui-même. Une belle étrangetè à décoder longuement. 

JOHN TRAP – AU TEMPS DE L’ANCIEN TEMPS from JOHN TRAP on Vimeo.

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