En deux ans et demi, c’est la sixième fois que je voyais Cléa Vincent en concert, mais c’était la première fois qu’elle arrivait avec un album sous le bras, quelques jours avant la sortie dans les bacs. En formation complète (Raphaël Léger à la batterie, Baptiste Dosdat à la basse, Raphaël Thyss aux claviers) et en très grande forme, le quatuor a fait chavirer l’iBoat. Ces 50 minutes allouées furent rapides, mais elles furent surtout terriblement dansantes, pop jusqu’au bout des ongles, et ont aussi démontré l’immense progrès du projet. Je parle de projet pour ne pas isoler Cléa Vincent, qui elle-même a travaillé avec bonheur sur sa voix, de son groupe, soudé et efficace, propulsant les chansons avec d’autant plus de réussite que la batterie de Raphaël est désormais une “vraie” (et non un simple pad) et que les deux autres jeunes gens assurent une traction arrière efficace. Ce ne serait rien toutefois sans des chansons, et elles étaient au rendez-vous : d’un “J’m’y attendais pas” super entraînant (joué en début et en fin de set : “jJ me suis trompé dans les paroles”, expliquera Cléa – on n’allait pas se plaindre) aux classiques que sont déjà “Retiens mon désir” et “Château perdu”, sans oublier une flopée de nouveaux titres qui font mouche dès la première écoute (“Soulevant”, “Achète-le-moi” ou “Electricité”) et son plus beau texte à ce jour avec “Clair-Obscur”, le set fut simplement parfait, un moment qui aura laissé le public suant et souriant.
Un peu de tension semble habiter Marion Gaume, qui porte sur ses épaules Mesparrow, aidé de deux musiciens. On le serait à moins : son deuxième album s’apprêtait à sortir et la voyait opter (avec réussite – on y reviendra) vers le tout-français dans les textes, ce qui faisait une inconnue majeure pour une première date de tournée. Ce climat et cette petite nervosité chez la Française vont vite se dissiper, et l’heure passée en sa compagnie fut délicieuse, dans la prolongation de son premier album tout en restant à la marge de celui-ci (deux chansons interprétées seulement) pour faire place à ce nouveau disque. Les morceaux sont en effet rapidement convaincants, et pour moi qui ai déjà écouté le disque, je m’y retrouve sans peine ; le public accroche à son tour. Seule au piano sur “Jungle contemporaine” (un sommet d’émotion en live aussi), c’est le plus souvent avec ses deux acolytes qu’elle évolue : discrets, ils donnent du corps aux mélodies des nouveaux “Les Ecrans”, “Agrafes”, “Ne me change pas” (porté par la voix légèrement éraillée de Marion Gaume), ajoutant des nappes synthétiques épaisses mais jamais plombantes. On se surprend même à partager avec la jeune femme une dimension physique dans les titres, qui se font parfois sautillants et entraînants. Heureuse probablement de donner vie sur scène à ces morceaux posés sur disque, Mesparrow a entamé avec réussite ce nouveau chapitre d’une carrière toujours naissante mais dont les fondations vont en se solidifiant. Une belle conclusion d’une soirée tout en français, et deux très beaux projets qui iront certainement loin.