Si l’an dernier je n’avais pas franchement été tenté par l’Ocean Climax Festival qui se tient à Bordeau (du côté de Darwin), cette deuxième édition méritait le déplacement, avec une programmation qui tentait de mêler des têtes d’affiche “grand public” avec quelques artistes locaux, des anciens fringants, un peu de “culte”… Avant même que la musique ne commence réellement pour moi, force est de constater que le festival a abattu un travail colossal pour rendre les lieux agréables, accueillants, et les équipes du festival sont au diapason, avec un système cashless sans accrocs et un personnel au bar toujours souriant et efficace. Premiers bons points donc.
Vendredi 9 septembre
Niveau musique, j’arrive trop tard pour profiter de plus d’un morceau des Bordelais de Bengale, ce qui est dommage mais somme toute assez prévisible car ils commençaient à 18 heures. Je suis donc très bien placé pour le début d’Ariel Ariel, mais comme j’ai vu la formation bordelaise dérouler sa pop ensoleillée une semaine avant, je ne reste qu’un quart d’heure, le temps de reprendre mon exploration du site et de croiser quelques personnes, en attendant l’arrivée de Keren Ann sur la grande scène.
Pas forcément connaisseur ou amateur de l’œuvre de la Néerlandaise, je reste en retrait du concert, à la fois physiquement (elle est vraiment loin, cette grande et belle scène) et aussi musicalement. Très bien exécutée, cette prestation ne me passionne pas vraiment et je cherche (en vain) un peu d’émotions dans ces chansons en anglais.
De retour sur la petite scène, c’est le groupe local (pas exactement bordelais, mais bon), Papooz, qui s’occupe d’amener un peu d’énergie pour lancer pleinement la soirée. Il faut reconnaître que leur musique, qui mêle parfois avec succès une certaine indolence avec des envies surf pop, fonctionne plutôt bien, déclenchant pas mal de déhanchés et levers de bras. Je n’irai pas jusque-là, mais cela fut plutôt agréable.
Je ne pourrai en dire autant de Lilly Wood and the Prick, dont je n’attendais de toute façon rien. D’autant que le son était affreux, alors qu’il avait été excellent jusque-là (et le sera sur le reste du festival). Je termine ma soirée avec le duo Her, complété d’un groupe au complet (dont un clone de Terence Trent d’Arby à la basse). Mélangeant un peu de soul à des sons chill, avec pas mal d’énergie et ce qu’il faut de froideur pour habiter certains titres et en laisser groover d’autres, Her fait plutôt bonne impression, même si comme le dit une amie, “les claquements de doigt en se dandinant en costard, ça fait un peu Boyz II Men”. La suite du programme du jour ne me faisant pas plus envie que cela (Selah Sue, Odezenne), je quitte le lieu sur cette impression positive, mais impatient de retrouve un programme plus à mon goût.
Samedi 10 septembre
Le festival est décidément chanceux, avec à nouveau un ciel clément. Moins clémente, la sécurité refuse de me laisser entrer par l’entrée secondaire (elle n’est pas spécialement prévue pour le public…), et par conséquent je loupe une bonne partie du set de Cliché, dans lequel joue d’ailleurs désormais Ariel (Tintar) de Ariel Ariel. Dommage, car les EP du groupe font partie des choses pop séduisantes de ces derniers mois et années.
La bonne chose qui en découle est mon très bon placement pour retrouver le quatuor bordelais John and the Volta. Si son leader semble assez tendu au moment de commencer, force est de constater que la musique du groupe n’a rien perdu de sa qualité, surfant avec bonheur sur des influences allant de Radiohead à Nine Inch Nails en moins violent, et les chansons – du EP, seul “Paralized” a subsisté dans la setlist – ont toujours ce petit truc en plus. La voix singulière de Jonathan, un groupe qui sait doser soigneusement l’électronique et les rythmiques lourdes, un aspect dansant et une atmosphère sombre. Espérons que cela se concrétise sur un album rapidement.
Les Anglais de Temples continuent quant à eux à entretenir la flamme de leur premier album, “Sun Structures”, et celle-ci semble encore vivace. Il y a toutefois de nouveaux titres, mais le groupe déroule sans faiblir un rock parfaitement huilé, complètement arrêté sur une époque qu’on situera vers les 70’s, sans sembler se lasser : c’est fort, précis, un peu psyché, un peu hard-rock pour nostalgiques des guitares en première ligne. La force tranquille de jeunes déjà un peu vieux.
C’est Grand Blanc qui prend le relais, sur la petite scène : je suis très heureux de voir le groupe après avoir découvert il y a plus de deux ans leur cold wave électro made in France, qui sent bon les vilains samedis soir pleins de lose. La lose, c’est aussi ce qui plombe le groupe au tout début de son concert : le retard à l’allumage, bien indépendant de leur volonté, se paiera à la fin avec l’obligation de zapper “Samedi la nuit”. Dommage car le sans-faute n’était pas loin, avec une super setlist (“Mémoires vives”, “L’amour fou”, “L’homme serpent”, un “Verticool” tendu à souhait), mais aussi quelques outros un brin étirées qui mangeront des minutes précieuses. Cela n’enlève rien à la très bonne prestation des Lorrains d’origine.
Air prend la suite, et à en juger par la foule (plus conséquente que la veille) qui se masse devant la grande scène, la venue du groupe de Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin fait figure d’événement. Pourtant, la même règle s’applique pour tous et c’est seulement une heure qui est allouée aux Versaillais. Bien placé, en décalé par rapport à la foule, je reste un peu en dehors du set, sans jamais trouver ça déplaisant, comme finalement la musique de Air pour moi. D’ailleurs, c’est logique car la setlist de 11 titres est parfaitement calibrée, avec ce qu’il faut de tubes (“Sexy Boy”, “Cherry Blossom Girl”, “Kelly Watch the Stars”) et de jolies divagations doucereuses. Seulement, il manque une étincelle, un peu de présence, malgré quelques légères flammèches.
Si je suis obligé de zapper ou presque la prestation de J.C. Satàn, que j’entendrai à défaut de voir (car ils étaient une semaine plus tôt au Black Bass Festival). Et ce que j’entends me permet d’apprécier leur habileté à s’adapter à un court set (40 minutes), ne gardant que le plus percutant. Une bonne partie du public avait toutefois déjà entamé sa migration vers la grande scène pour De la Soul.
C’est clairement le groupe que le public (aussi nombreux que varié, à la fois jeune et moins jeune, passionné comme curieux) attendait. Je ne saurais leur donner tort, car les rappeurs, en formation complète, n’ont pas lésiné sur l’énergie pour satisfaire leur public, quitte à sembler en faire un brin trop. Et vas-y qu’on lève les bras (“Put your hands uuuuuup”), qu’on saute (“Juuuuump”), les musiciens n’étant pas en reste malgré un âge certain (eh oui). Hip-hop feel good, belle solidité rythmique quand l’attirail soul est sollicité et simplicité acérée quand les morceaux tendent vers quelque chose de plus dur, De La Soul pffre un show sans temps faible et sans coup de mou, offrant une heure parfaitement maîtrisée. A l’américaine, hyper pro mais avec ce qu’il faut de chaleur pour avoir envie d’en reprendre une lampée.
Dommage pour FKJ, mais mon groupe d’amis ne se disperse pas alors que la fin de soirée approche, et que Cassius monte son décor sur la grande scène. Reprenant tous les codes visuels du dernier album, il en met clairement plein les yeux avec un aspect rétro 80’s très poussé et assumé aussi musicalement. Le duo n’est pas là pour conter fleurette, plutôt pour dérouler en grande pompe un set électro un peu figé dans le temps, mais toujours fichtrement efficace. Les 40 minutes que je vois et surtout entends avant mon départ (pour cause de retour en transports en commun) remplissent leur office : on danse rétro, on entend des claviers clinquants et tout ça est assez “Toop Toop”.
Je ferai l’impasse sur la dernière journée, le dimanche, dédiée au folk, comme j’avais d’ailleurs zappé la soirée inaugurale, pas forcément calibrée pour moi. Ce premier contact avec l’Ocean Climax a été toutefois très satisfaisant, avec une atmosphère plaisante et une programmation certes inégale, mais avec de beaux moments. La cause défendue – la préservation des océans –, au travers de conférences et animations en journée, n’a pas été galvaudée et aura, on peut l’espérer, touché les 27 000 spectateurs.