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Interviews

Hamilton Leithauser + Rostam – Interview

Quel est le point commun entre les Walkmen et Vampire Weekend ? A priori aucun. Pourtant les têtes pensantes de chaque groupe ont décidé de collaborer pour un album aux accents Doo Wop, Country et Blues. “I Had A Dream That You Were Mine” fait partie des agréables surprises de la rentrée. Hamilton Leithauseur et Rostam se sont visiblement fait plaisir en couchant sur dix titres toutes les expérimentations qu’ils n’ont pu effectuer dans leurs groupes respectifs. Et ça fonctionne plutôt bien, car du plaisir, nous en prenons aussi.

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1-1 000 Times :

Rostam : Ouvrir l’album avec ce titre avait du sens. Il commence juste avec la voix d’Hamilton et un piano avant de prendre une autre dimension. A l’image de l’album, après des débuts minimalistes, “1 000 Times” prend de l’ampleur.

Hamilton Leithauser : La chanson parle d’un amour impossible. Le texte était plus long et plus clair initialement. Mais nous avons trouvé intéressant de supprimer un passage dans lequel je chantais dans une tonalité plus haute. Dévoiler moins d’informations a ajouté une part de mystère. De toute façon je trouvais qu’il se passait trop de narration initialement.

Rostam : C’est un des rares titres pour lequel nous avons rédigé les paroles à deux. La majorité des textes sont du Hamilton à 100 %.

Comme souvent pour le reste de l’album, il y a des éléments de musiques traditionnelles bien présents.

H.L. : Oui depuis longtemps à travers nos enregistrements respectifs nous avons utilisé des éléments de blues, de country ou de folk. C’est juste que nous adorons ces styles de musiques et nous avons voulu appuyer un peu plus ces références en les rendant modernes. Il y a beaucoup d’éléments 50’s comme du doo wop et bien rock’n roll période 60’s. Mais nous avons mis un point d’honneur à rendre ces références contemporaines. Il n’y a aucun intérêt à recréer quelque chose qui a déjà été fait il y a soixante ans.

2 – Sick as a Dog :

H.L. : « Sick As A Dog » est un peu blues et parle de la fin d’une relation amoureuse. Nous avons utilisé deux basses pour l’intro. Nous jouions chacun la nôtre. La chanson commence calmement et pourtant elle dégage beaucoup d’énergie dans sa dernière partie. C’est parce que Rostam m’a fait enregistrer les prises de voix à plusieurs reprises et les a additionnées au fur et à mesure que le morceau avançait. Ce son est né de notre forte amitié car je ne sais pas si j’aurais la patience d’enchaîner les prises avec quelqu’un d’autre.

3 – Rough Going :

Ce titre s’inspire du Doo Woop musicalement. Hamilton, on retrouvait déjà cette influence sur “I Retired” extrait de ton premier album solo. Rostam, tu figurais déjà à la production à cette époque. Ce titre a t-il été l’élément déclencheur de votre envie de sortir un album ensemble ?

R. : Oui, c’est exactement ce qui s’est passé. “Rough Going” n’aurait pas dénaturé sur “Black Hours” (album solo d’Hamilton sorti en 2014 sur lequel Rostam avait produit quelques titres ndlr). Nous l’avons même conçu comme un sequel à “I Retired”.

H.L. : “Rough Going” est le premier morceau que nous avons composé pour “I Had A Dream That You Were Mine”. Et c’est logique car nous nous sommes mis au travail dès qu’”I Retired” a été bouclé.

R. : C’est parti d’une private joke. Nous voulions décrire “Rough Going” avec un slogan : “Par les gens qui vous ont séduits avec “I Retired” (rires).

Il y a un solo de saxo auquel on ne s’attend pas à la fin du morceau, un truc un peu “free”.

R. : Le jour de l’enregistrement nous avions une gueule de bois pas possible. J’avais invité un joueur de saxo au studio. Mais je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam. J’étais incapable de savoir s’il allait être bon ou mauvais. On a commencé par lui demander de jouer des choses très simples pour le tester. Il n’était pas si mauvais, on lui a donc proposé de se lancer dans un solo. Il a été généreux nous en a fait un de vingt minutes. Nous avons choisi la partie qui nous plaisait le plus. Ce n’est pas vraiment du free car il reste presque en accord avec les autres instruments. C’est plus le “Be Bop” qui me vient à l’esprit.

4 – In a Black Town :

Ce titre comme d’autres sur l’album utilise des références à la religion dans les textes. Il y a également des chœurs à la limite du gospel. La religion est elle un sujet qui vous inspire ?

H.L. : Les chansons religieuses traditionnelles, oui. La religion en elle-même, pas du tout. J’adore le gospel. Mais jamais tu ne m’entendras chanter une chanson traitant de mes pensées spirituelles.

R. : Peu importe la période ou le continent, la religion est un thème qui revient constamment en musique. Il est impossible d’ignorer les connexions entre les deux.

Oui, les artistes Country abordent souvent le sujet également. Il y a justement des guitares qui sonnent Country dans ce titre.

R. : Oui c’est étrange car nous n’avions jamais considéré aller piocher des idées dans ce style pour l’album. Hamilton a composé “In a Black Town” à la guitare acoustique. Lorsque j’ai commencé à l’accompagner à la basse, la rythmique faisait penser à de vieux classiques country. Hamilton a alors adapté son style et nous avons fini pas nous inspirer de sons à la Johnny Cash. J’ai réalisé un vieux fantasme avec ce titre. Il a été enregistré avec une guitare classique et deux micros. C’est la première fois que je capturais le son de cordes en nylon. Je rêvais d’un son ample.

J.H. : Ce que j’adore avec ce titre, c’est qu’il ne ressemblait en rien à sa version finale lorsque je l’ai composé. Nous n’avons réalisé que sur le tard qu’il se transformait en une chanson Country.

R. : Oui mais c’est en quelque sorte plutôt joué à la Leonard Cohen. Certains de ses morceaux fingerpicking te font penser à de la Country, mais sans en utiliser réellement les codes.

5 – Peaceful Morning :

R. Le riff a initialement été composé à la guitare. Je serais incapable de te dire pourquoi, j’ai eu l’idée de tenter de remplacer la guitare par un banjo. Peut-être parce que j’avais accordé ma guitare de façon similaire à un banjo. Bref nous avons été extrêmement chanceux car il est quasiment impossible de reproduire la même chose sur ces deux instruments. Et pourtant ça a marché.

Les paroles font référence à la Nouvelle Orléans. L’album en lui même est censé relater un New York passé et futur. Mais pour moi, l’album laisse pourtant libre court à l’imagination. L’action pourrait se dérouler n’importe où.

H.L. : Exactement, nous avons ouvertement laissé une porte ouverte aux interprétations. Nous avons volontairement supprimé d’autres références à la Nouvelle Orléans sur l’album. Mais pour moi s’il y avait un lieu résumant l’action du disque, ce serait effectivement New York. Probablement car je me suis pas mal inspiré de moments que j’ai passé là bas, sans toutefois faire référence à des lieux précis.

6 – When The Truth Is :

On peut parler de ce titre comme un morceau énervé.

H.L. : Je chante le refrain avec rage sur ce titre. Je voulais ajouter une dimension soul à la Otis Redding ou à la Wilson Pickett. C’est impressionnant, on dirait presque qu’ils aboient par moment. Mick Jagger est très bon dans ce domaine également. L’album sonne souvent énervé, il est parfois un peu noir, mais nous n’allons jamais trop loin dans les textes ou dans les sonorités. Laisser une lueur d’espoir est important.

R. : Il est de toute façon difficile de pondre des chansons dépressives quand tu as des passages avec du Doo Wop (rire).

7 – You Ain’t That Young Kid :

“You ain’t That Young Kid” commence comme une rencontre de Dylan et de George Harrison avant de partir dans une direction complètement différente. On a même l’impression d’entendre un titre de Flaming Lips dans les dernières secondes.

R. : Nous voulions expérimenter avec deux sections complètement différentes. Quand les deux ont été bouclées, nous nous sommes regardés, et sans même ouvrir la bouche nous pensions la même chose : “pourquoi ne pas en ajouter une troisième !” (rires). Nous avons voulu apporter notre modeste contribution à cette tradition de morceaux en trois parties comme “Happiness Is A Warm Gun” et “Paranoid Android”. Tu as l’impression d’écouter trois chansons différentes.

Hamiton arrête même de chanter à un moment, préférant parler pour faire évoluer la chanson.

R. : Oui, nous avons même appelé ce titre la chanson qui parle pendant un bon moment.

H.L. : Crois-moi, c’était le passage le plus difficile à enregistrer de l’album. Car je ne savais pas comment placer ma voix pour être convaincant. Tu n’imagines même pas le nombre de prises que j’ai enregistrées. Je chante de façon tellement passionnée que je n’arrivais pas à parler. J’en faisais de trop.

R. : Par contre, tu parlais des Flaming Lips. Je comprends ce que tu veux dire mais nous n’avions pas ça en tête. C’est un groupe que j’adore.

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8 – The Bride’s dad :

“The Bride’s Dad” s’écoute comme une nouvelle. Vous racontez une histoire, il n’y a aucun refrain.

H.L. : C’est une histoire vraie qui s’est déroulée au mariage d’un très bon ami à moi. J’y ai assisté. Son père s’est ridiculisé lors du discours. J’ai rédigé les paroles du point de vue d’un ami. ll n’y a pas de refrain car Rostam pensait que ce texte se suffisait à lui même. J’avais quelques idées en tête pour faire évoluer la chanson, mais il la trouvait parfaite comme ça. Il avait raison. Parfois il vaut mieux faire court et efficace.

Avez-vous travaillé en permanence ensemble, dans la même pièce sur cet album ?

R. : Nous avons échangé des fichiers à l’occasion, mais 90 % de l’album a été composé lorsque nous étions ensemble. Nous avions chacun de notre côté de vieilles idées que nous voulions garder pour ce projet. Mais sans être assis ensemble dans la même pièce, l’album n’aurait pas vu le jour.

9 – The Morning stars :

La batterie sur ce titre me rappelle un peu la façon dont PJ Harvey, avec ce son d’infanterie sur ses deux dernier albums.

R. : Nous avons juste superposé des couches de batteries jusqu’à obtenir un son énorme.

H.L. : Nous voulions obtenir un imagerie de fanfare plutôt que militaire.

10 – 1959 :

R. : C’est un duo avec Angel Deradoorian de Dirty Projectors. Nous ne somme pas allés la chercher très loin car elle vit chez moi, dans un cabanon au fond de mon jardin. “1959” n’était encore qu’une ébauche et j’ai décidé de tenter d’ajouter une voix féminine sans savoir si ça allait marcher ou pas. Je n’en avais pas vraiment prévenu Hamilton, je voulais juste expérimenter. Il a dû ajouter sa voix sur les prises effectuées avec Angel.

H.L. : “1959” n’était pas écrite comme un duo, pourtant l’ajout de la voix d’Angel a apporté plus de dynamique.

R. : Hamilton n’a entendu le morceau avec la voix d’Angel qu’une fois le mixage terminé. Je voulais le surprendre. Il savait que je travaillais sur ce duo, je ne le lui ai pas caché.

A t-il apprécié le résultat final ?

R. : En quelque sorte, oui… (rire)

Il vous aura fallu une longue période pour finaliser ce disque

J.H. : L’album a été enregistré sur un an et demi. C’était notre priorité absolue à tous les deux. Mais nous avions besoin de breaks pour laisser certaines idées mûrir et prendre du recul sur d’autres. Nous aurions pu tout enregistrer d’un coup en travaillant vraiment dur, mais l’album ne serait pas aussi bon.

 

Crédit photos : Nina Airtz

Un grand merci à Florian Leroy

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