Après neuf ans d’absence, Andy Dragazis réactive son projet Blue States pour un cinquième album que l’on n’attendait plus.
Neuf ans, autant dire une éternité en ces temps où la durée de vie d’un disque se limite souvent à l’intérêt consommateur que l’on en fait. Neuf ans qu’Andy Dragazis ne nous avait pas donné de nouvelles. Pourtant quand il nous avait quittés avec « First Steps Into… », le quatrième de son groupe, un avenir radieux s’annonçait pour lui. Nos confrères de Magic avaient élu « The Soundings » album du mois en 2004. Issu de la scène électronique et trip hHop, l’homme derrière ce projet, avait su vite nous montrer qu’il ne faudrait pas le ranger trop vite dans telle ou telle case.
D’abord instrumentales, les productions de Blue States s’étaient à la fois rendues plus accessibles et complexifiées avec le temps.
Et du jour au lendemain, plus de nouvelles. On avait bien vu cette compilation d’inédits sortir en 2009 mais guère plus. Pourquoi ce sabordage alors ? Pourquoi tant de distance entre « First Steps Into… » et « Restless Spheres » ?
Neuf ans, c’est énorme et pourtant nous avons bien fait d’être patients car ce nouveau disque est peut-être bien le meilleur de Blue States.
Lui qui nous promettait dans le passé les montagnes, il atteint encore une fois un sommet et nous avec lui, avec une musique à la fois organique et synthétique.
En ouverture, « Alright » avec le chant d’Eos que l’on retrouve encore un peu plus loin sur le disque sonne comme un Dead Can Dance urbain et moderne. Andy Dragazis dit avoir imaginé ce titre comme une déambulation, une errance dans les rues d’une ville de nuit, les lumières qui se mélangent aux émotions. On pensera parfois à Sébastien Schuller pour cette même mélancolie qui ne se dit pas.
Chez Andy Dragazis, il y a toujours eu cette science de la continuité entre les titres, comme l’impression de franchir des passerelles et des ponts tout au long d’un album, un mouvement dans l’espace sauf que chez lui, on convole dans l’hyperespace comme sur le sublime instrumental « Vision Trail » pour mieux retomber dans un dancing crasseux mal éclairé, les corps fatigués des danseurs, la vie qui bat dans le déchirant « D Day ».
Neuf ans c’est long mais à l’écoute de « Restless Spheres », on a l’étrange sentiment de rencontrer quelqu’un qui a bien changé. On reconnaît bien sûr ce que l’on aimait sur les autres disques de Blue States mais sans doute une certaine patine du temps apporte-t-elle un relief nouveau à ces onze titres.
Le fil conducteur de ce disque, cela serait peut-être un pessimisme maîtrisé et serein, quelque chose comme « il n’y a rien de bon à attendre ici alors autant aller le chercher dans les nuages ». « Noodles » en est l’exemple parfait.
« Statues », premier single extrait de « Restless Spheres », viendra peut-être atténuer votre manque à ne plus pouvoir écouter la voix de Liz Frazer.. Retenez bien ce nom : Mayasa, une Suédoise qui provoque bien des émois sur ce titre, avec son chant de sirène.
« Beyond The White Light » détonne de la plus belle des manières sur ce disque avec ses effluves psychédéliques qui doivent sans doute beaucoup à la présence de Toby Jenkins.
Ce qui est constant chez Blue States, c’est cette notion de collaboration avec d’autres artistes car peut-on dire que Blue States est réellement un groupe ? Plutôt une auberge espagnole où chacun peut rentrer et apporter ce qu’il souhaite.
Prenez « Protect Me Everywhere » comme un rappel de cohérence dans la discographie de Blue States et de son cerveau bien ordonné, cela sonne comme la possible réponse aux interrogations que contenait « The Soundings ». On se retrouve plongé en plein Día de los Muertos quelque part au plus profond du Mexique. On y croise la Catrina, nous voila emportés dans un mysticisme païen et presque heureux.
La musique d’Andy Dragazis se révèle mieux à celui qui la découvre la nuit, elle éclaire la noirceur des soirs d’été et devient un peu du chant des sphères.
« Restless Spheres » est un grand disque riche et à tiroirs, à la fois allusif et précis dans ses images. Le grand retour bouleversant d’un artiste qui nous manquait bien plus qu’on ne pouvait le penser.