C’est en fin d’après-midi que l’on descend tranquillement sur le port de la Gare, au pied de la bibliothèque François Mitterrand. Le temps de prendre un verre à l’ombre, il n’est pas trop difficile de remarquer le public du Petit Bain au milieu des quelques Parisiens qui profitent tranquillement des dernières heures de leur week-end estival. Punks, fans de rock et de métal, jeunes ou vieux, chevelus ou dégarnis, beaucoup de fans sont venus voir Jello Biafra, toujours accompagné des Guantanamo School of Medicine qui tournent avec l’ancien leader des Dead Kennedys depuis 2008.
Le trio costumé – tenue orange de prisonnier, masque de catch et peau de bête – Super Sans Plomb se charge d’ouvrir la soirée avec bruit et fracas. On y entend une batterie qui cogne suffisamment fort pour concasser méthodiquement les oreilles du premier rang, un synthétiseur bruitiste dont les notes aiguës réveillent assez facilement quelques vieux acouphènes et une basse prognathe qui place parfois deux ou trois slaps aux accents étrangement prog-rock. Beaucoup de morceaux déglingués qui ne sont pas sans rappeler le premier album des Red Hot Chili Peppers, et c’est plutôt une bonne chose.
La salle est quasiment comble quand les Guantanamo School of Medicine débarquent sur scène pour entamer une version endiablée du thème de “La croisière s’amuse”, afin d’accueillir comme il se doit un Jello Biafra convulsif et survolté. Il suffit d’un titre, “Satan’s Comblover”, pour mettre tout le monde d’accord et catapulter la salle dans un monde merveilleux où il n’y aurait que des morceaux composés avec trois accords, et dont l’unique but serait de pousser le public à se lancer dans une inlassable séance de stage diving. A bientôt soixante ans, Jello Biafra n’a rien perdu de son énergie punk et manie toujours aussi bien l’art de la conscience politique entre deux riffs bien sentis, n’hésitant pas à se lancer dans de longues tirades écolo, antifascistes et antimultinationales en intro aux chansons.
Outre “Forkboy” – titre que Jello Biafra a écrit avec Al Jourgensen pour Lard et que l’on peut entendre dans le film “Natural Born Killers” d’Oliver Stone –, on a droit à quelques classiques des Dead Kennedys : un “California über alles” mis à jour par les frasques d’Arnold Schwarzenegger en tant que gouverneur de Californie, l’immense “Holiday in Cambodia” en rappel et surtout “Nazi Punks Fuck Off”, ici renommé, actualité oblige, “Nazi Trumps Fuck Off” (une formule qui se déclinait également sur des T-shirts vendus au merch). Avec une telle débauche d’électricité et de hochements de tête endiablés, comment ne pas passer une bonne soirée ?
Mathieu Gandin