Chroniques d’une jeunesse éternelle. Celle des petites villes du Saskatchewan, Canada ou de Bretagne, Europe. Des bourgades « de la taille d’une assiette » : citons d’emblée l’auteur, Andy Shauf, songwriter prometteur qui vient de publier son troisième album : « The Party » (ANTI). Unité de temps, unité de lieu : l’auteur nous relate avec force détails une fiesta entre amis, amants, ex. Hilarant et poétique.
Pillow Pop. Grâce. Lévitation.
Dès les premières mesures de « The Magician », nous sommes propulsés dans le monde tourmenté mais accueillant d’Andy l’Enchanteur. Cette voix envoûtante et veloutée est la clef de voûte de l’album. Le disque nous embarque dans une fête imaginaire ou vécue, peu importe. Shauf nous la chante de A à Z : des premiers tchin-tchin timides au flip existentiel du lendemain, en passant par le plateau désinhibé (notamment les chorégraphies solo dans « Eyes Of Them All ») au coeur de ladite partie fine. Les stratégies obliques de drague que l’on croit savantes et subtiles après 4 mojitos. Elles sont parfois mises en jeu précocément au cours des bacchanales : « Early to the Party ».
L’homme est jeune, semble timide, porte le cheveu long et le sourcil généreux. Sa prestation à la Mécanique Ondulatoire (Paris Bastille pour nos amis du Manitoba ou d’ailleurs) fut une expérience sensorielle : dans le hammam du Passage Thiéré, nous fûmes nombreux (sold out) et le concert mit du temps à décoller : des débuts hésitants (« mais combien sont-ils ? » ou encore « sa gratte est branchée, t’es sûr ? ») puis la majesté des compositions nous emporta dès que les murs de la Méca rendirent justice au génie modeste d’André Chauffe.
Les influences sont multiples, voici donc une courte et subjective radiographie des observations d’Andy au cours de la soirée : »Twist Your Ankle » : des saveurs de Lennon fils cadet, période Grand Royal. Piano Plastic Ono Band. Guitares acoustiques de hamac. Hi-hats généreux à tous les étages. Tambourine for free! Printemps 1971 ? 1993 ? 2016 ? Who really cares? Une production subtile rend la chose impossible à dater (ces batteries en symbiose avec les claviers !) Une finesse qui n’aura pas échappé à Franck Zeisel, ostréiculteur pop.
Des cordes et des cuivres comme un baiser goût cerise. Batteries feutrées, piano spectorisé : coeur grenadine. Couples en fusion sur les canapés hors-champ. Ou encore les infusions caribéennes sur « Quite Like You ». »The Worst In You » : on imagine Stephen Malkmus prodiguant une séance d’hypnose à la sortie d’un campus inondé par le soleil californien. « To You » : cette clarinette qui revient vous hanter à intervalles réguliers tout au long de la fête avec ce final d’une élégance folle. On y hume aussi des fragrances d’Elliott le supplicié, exposé aux UV : les anciens punks ont toujours eu en eux cette finesse insoupçonnée que les hippies croyaient avoir monopolisée. La galerie de personnages est savoureuse : Jimmy, Martha et Alexander se souviendront de cette soirée toute leur vie..Plus structurée, moins drôle que celle de Blake Edwards, cette « Party » nous tient en haleine jusqu’à « Martha Sways » : chanson de clôture à la beauté sépulcrale. Death of a…party, fermez le ban(quet).